HISTOIRE D'AIL

Publié le 24 Octobre 2019

 

Aquarelle Yves de saint Jean

 

 

« Ajoutez de la tomate et de l’origan, ça devient italien ; du vin et de l’estragon, ça devient français ; du citron et de la cannelle, ça devient grec ; de la sauce de soja, ça devient chinois ; ajoutez de l’ail, ça devient bon ».
Alice May Brok, artiste américaine

 

 

Au potager de Saint Jean on cultive l'ail.

Il est dit qu'il fut l'une des toutes premières plantes à avoir été cultivée. Je ne sais pas si cette affirmation est justifiée. Ce qui est certain, c'est qu'il est mentionné pour la première fois dans des écrits sumériens datant d'environ 5000 ans.

Sa zone d'origine serait un large « croissant de l'ail » qui s'étend de la mer Caspienne jusqu'aux monts Tian Shan à la frontière de la Chine et du Kazakhstan.

 

Nombreux sont ceux qui prétendent avoir fait connaître l'ail au reste du monde. On dit que cette merveilleuse plante aurait été ramenée d'Asie centrale par Attila, roi des Huns, certains pensent que c'est Alexandre le Grand ou le navigateur et voyageur italien Marco Polo, d'autres assurent qu'il s'agit de Godefroy de Bouillon, chef de la première croisade. En réalité, ils ont tous aidé à disséminer l'ail. Il est vraisemblable également que les phéniciens marins et grands commerçants contribuèrent largement à répandre son usage dans tout le bassin méditerranéen où il s'est profondément enraciné dans la culture et les régimes alimentaires des gens de cette région. Il a mis un peu plus de temps à être accepté par les peuples d'Europe du nord.

 

 

 

* Plante mythique

 

Il appartient à la famille des « Liliaceae » dans laquelle on retrouve le poireau, l'oignon, la ciboulette, le lys et la tulipe mais si les fleurs de ces dernières sont somptueuses celles de l'ail sont en revanche minuscules.

Les anglo-saxons l'appellent « Garlic » ou « plante à lance » à cause de la forme de ses feuilles. En vieil anglais « gar » signifiait lance alors que « leek » (prononcé lik) était la plante du poireau. Ainsi « garl-leek » devenu garlic était un poireau aux feuilles en forme de lance.

 

Bien que cultivé de nos jours pour ses qualités culinaires, l'ail peut être considéré comme l'un des remèdes naturels les plus puissants. Ce végétal appartient, en effet, autant à l'art culinaire qu'à l'art médical.

Grecs, Étrusques, Romains, le mentionnent dans leurs pharmacopées officielles à usage interne ou externe pour soigner toutes sortes d'affections.

Les Chinois le désigne par un signe unique, ce qui est ordinairement l'indice d'une espèce spontanée et très anciennement connue.

 

Les Égyptiens l'élevèrent au rang de divinité et Khéops, souverain de la IVème dynastie en fit graver l'image sur la plus haute pyramide de Gizeh. Une inscription nous apprend qu'une gousse d'ail fut distribuée chaque matin aux milliers d'ouvriers employés à la construction des monuments afin de les préserver des maladies et leur donner du cœur à l'ouvrage.

Les athlètes et guerriers grecs en faisaient de véritables cures pour conserver leur vigueur.

 

Dans la Rome antique, l'ail était une nourriture ordinaire de la plèbe et surtout des soldats, au point qu'il devint un symbole de la vie militaire.

Plus près de nous, on se souvient de la naissance d'Henri de Navarre, futur Henri IV. A peine venu au monde, son grand-père, Henri d'Albret lui avait frotté les lèvres avec une gousse d'ail. Ravi de voir l'enfant se frotter les lèvres comme pour sucer il s'était écrié « Va ! Va ! Tu seras un vrai Béarnais ».

 

 

 

 

* Légendes et folklore

 

Si un peu partout on lui a trouvé des pouvoirs guérissants, on lui a également attribué des dons magiques.

« Rose puante », « empreinte du pied de Satan », les qualificatifs désobligeants n'ont pas manqué pour le décrire. Il avait la réputation d'un enfer puant parsemé de soufre. Il n'est pas étonnant que ce légume merveilleux ait été associé à l'odeur de la malveillance.

Mais on dit aussi que ceux qui le portent sont protégés contre les démons et les vampires et qu'il éloigne la maladie ainsi que les esprits malveillants.

« Manger de l'ail, ça rajeunit et ça éloigne les opportuns » nous dit Alexandre Vialatte.

 

Dans la mythologie de la Grèce antique l'ail était révéré en tant qu'herbe ayant des dons surnaturels.

Homère ajouta foi aux pouvoirs mystiques de l'ail décrivant comment Ulysse s'était servi fructueusement de poudre d'ail pour combattre les charmes de la magicienne Circé qui avait transformé les marins du héros grec, tombés sous son charme, en pourceaux.

Nourriture de roi selon le mythe égyptien, chez les indiens il serait né de quelques gouttes de l'élixir d'immortalité.

Dans le folklore européen, il protège les chevaux souffrant de cauchemars et les vaches contre les lutins.

 

 

 

 

« L’ail dont l’odeur est si redoutée de nos petites maîtresses, est, peut-être, le remède le plus puissant contre les vapeurs et les maux de nerfs auxquels elles sont si sujettes. »
Jacques Bernardin Henri de Saint-Pierre,1737-1814

 

 

 

 

* Un alicament complet

 

 

Plus sérieusement, lentement le monde scientifique a réalisé que l'ail a plus que le folklore à son actif.

L’ail n’est donc pas un simple condiment mais un alicament végétal à part entière. Peu calorique, il contient de nombreuses substances minérales et oligoéléments : calcium, cuivre, magnésium, phosphore, potassium, soufre, zinc…et des vitamines A, B1, B2, B3, B5, C, E…, des huiles essentielles dont l’une l’aliine qui sous l’effet d’une enzyme spécifique dégage de l’alicine, responsable de sa forte odeur sulfurée et serait considéré comme étant un des principaux composés actifs associés à des effets cardio-protecteurs.

En dilatant les vaisseaux sanguins, il régule la tension artérielle et le rythme cardiaque. Il fluidifie le sang et des travaux récents ont mis en évidence une action hypolipémiante qui abaisse à la fois le taux de cholestérol et de triglycérides sanguins.

Grand protecteur des diabétiques (ses principaux actifs aident le foie à réguler l'excès de sucre dans le sang).

 

A ses propriétés antiseptiques, antibiotiques, hypotensives s’ajoutent des vertus diurétiques, laxatives, antifongiques, toniques, fortifiantes, antioxydantes et des effets vermifuges particulièrement nets dans la lutte contre les nématodes comme l’ascaris.

Puissant désinfectant des alvéoles pulmonaires, c’est aussi un médicament pour combattre les maladies des voies respiratoires dont le rhume, la bronchite ou la laryngite.

Il combat les mycoses digestives et serait prescrit lors des abcès, des troubles de la prostate, de calculs urinaires, d’œdèmes des jambes ou de maux de dents et d’oreilles.

Il est également efficace contre les cors, durillons et verrues. Il calme la douleur d’une piqûre de guêpe et fait disparaître un orgelet frotté avec une gousse coupée en deux.

 

En 1726, lors de la grande peste à Marseille, quatre voleurs immunisés grâce à un antiseptique de leur fabrication composé de vinaigre et d’ail échappèrent à la potence contre la révélation du secret de leur recette. C’est ainsi qu’au XVIIIème siècle naquit le vinaigre antiseptique des « quatre voleurs » pour les pansements des vilaines plaies.

 

 

 

* Pour une haleine qui sent l'ail

 

Shakespeare considérait que l’ail n’était pas fait pour les nobles et Cervantès recommandait de ne manger ni oignon ni ail au risque que leur odeur ne trahisse une déplorable origine paysanne.

 

En effet, si l’ail soigneusement mastiqué et insalivé, excite fortement l’appétit et favorise la digestion en activant la sécrétion gastrique, l’essence sulfurée qu’il contient s’élimine par les voies respiratoires et communique à l’haleine une odeur caractéristique et nauséabonde. Il est certain que manger de l'ail avant un entretien d'embauche ou encore un rendez-vous galant n'est pas la bonne idée.

Le brossage des dents n’aura alors aucun effet. La seule façon de remédier à cet inconvénient sera de mâcher pendant quelques minutes deux ou trois grains de café torréfié, des grains d’anis, du persil, de la menthe ou encore un morceau de pomme ou alors attendre un moment… un long moment.

 

L’intensité de sa saveur dépend de la façon dont on le coupe. Plus il sera finement tranché plus sa saveur sera forte et piquante et il est démontré que les propriétés de l’ail cru seraient supérieures à celles de l’ail cuit ainsi pour une préparation ajouter l’ail une dizaine de minutes avant la fin de la cuisson afin de conserver la qualité de ses composants actifs.

 

 

 

Actuellement près d’une quarantaine de cultivars sont inscrits au catalogue officiel français, parmi eux : ail fumé d’Arleux, ail blanc de Saint-Clar et de Beaumont-sur-Lomagne, ail violet de Cadour ou rose de Lautrec sans oublier les variétés sauvages comme l’ail des ours, l’ail rocambole, l’ail des vignes ou encore l’aillet, friandise des gourmets

 

Allié de la cuisine, de la saveur des plats et de la santé, les états de service de l’ail sont aussi brillants dans l'alimentation qu'en médecine où son honnêteté n'est plus à mettre en cause.

 

L'ail médicament vaut bien l'ail aliment.

 

 

« Ce qui me tue, c’est l’absence d’aïoli. Je ne vous ferai pas la honte de vous indiquer la recette, ail, huile, mortier, pilon, un bon poignet, car il importe de tourner vivement. » - Léon Daudet

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #Potager de Saint Jean

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