LA METEO DES ANIMAUX

Publié le 8 Janvier 2020

 

 

Par quel mystère une jeune grenouille verte est-elle arrivée sur le pas de la porte ? Pas de mare ni de ruisseau autour de la maison qui est en ville.

Stupeur ! Surprise !

SOS grenouille s'est aussitôt mis en place et toute la famille lui a installé un grand bocal rempli d'eau claire d'où la gourgandine s'échappa presque immédiatement préférant aller gambader entre les rangs de haricots verts et de salades à la recherche, sans doute, de mouches et autres insectes du jardin.

Quelques jours plus tard, alors que temps s'était subitement assombri, la diablesse avait replongé dans le bocal mis à sa disposition.

Le soleil revenu notre animal repartit à l'aventure au milieu des rangs de légumes. Elle disparaissait ainsi plusieurs jours.

Il en fut de la sorte à chaque changement de temps. Ainsi pendant des mois et des années notre batracienne devenue une vraie star locale inspira la météo de la maison et même du quartier. Chacun voulant savoir si elle était sortie de son bocal ou pas.

 

Je vous vois un sourire à la commissure des lèvres. Pourtant, je vous assure qu'aussi invraisemblable qu'elle puisse paraître, cette histoire est vraie. J'ai des témoins.

 

 

« S'il doit faire beau la grenouille

coasse au bord des étangs.

Au fond de la vase elle fouille

s'il doit venir un mauvais temps. »

 

 

Cette aventure batracienne n'est pas aussi banale qu'il y paraît car s'il est une préoccupation constante de chaque individu, c'est bien de connaître le temps qu'il fera demain et même après demain. Il conditionne la presque totalité de nos gestes quotidiens. Il nous indique comment s'habiller. En vacances, le plaisancier s'accroche à son échelle de Beaufort, au jardin des conditions météos dépend le succès de la récolte, en mer le marin est en permanence à l'écoute de la météo marine.

Plusieurs fois par jour la radio, la télévision, les journaux diffusent des bulletins météo et il n'y a rien d'étonnant à ce que les journalistes spécialisés, ces sorciers cathodiques et radiophoniques, devenus de véritables stars jouissent d'une incroyable popularité. Chaque foyer a élu son idole.

 

Même si, ici ou là, nos devins cathodiques se trompent, reconnaissons que la science météorologique a fait d'énormes progrès. Elle a mis en place d'importants dispositifs qui sont en constante évolution. Elle donne de précieuses indications sur l'évolution générale du temps mais pour des raisons pratiques on devine aisément qu'il est impossible de prévoir le temps à un moment précis sur un secteur déterminé comme celui des Vaux-du-Loir.

 

 

 

 

C'est là que l'on rejoint notre grenouille et son bocal car c'est précisément ce type d'information qui intéresse le jardinier, le vacancier ou le randonneur et tout individu non coupé de la nature.

Alors pourquoi ne pas s'en remettre à d'autres procédés pour prévoir le temps ?

Nos ancêtres, sans appareils sophistiqués, avaient établi à force d'observations, un code empirique de prévision du temps que la technologie actuelle a bien vite relégué au rang de météo populaire voire folklorique pourtant fruit d'une subtilité séculaire : les petites douleurs qui se réveillent, le comportement des oiseaux, des insectes, la couleur des nuages, la direction du vent...toutes ces méthodes dites de « bonne-femme » ne pouvaient raisonnablement cohabiter avec la toute-puissance de la science, des satellites et des logiciels.

Les traités de météorologie populaire ont toujours fait référence à l'observation des animaux. Aristote dans sa « Météorologie » décrivait déjà, trois siècles avant J.C., nos amis inférieurs comme de bons indicateurs du temps à venir.

 

 

 

 

 

* Dictons et adages

 

 

En se plongeant avec délectation dans les vieux dictionnaires, les dictons et proverbes de nos campagnes ou les souvenirs d'entomologistes, on y découvre mille constatations.

 

Ainsi « Limaçon aventureux, le temps sera pluvieux » se trouve confirmé. Limaces et escargots jouent avec plus de sensibilité que d'autres leur rôle d'hygromètre naturel. Leur peau se déshydratant très vite explique que le beau temps les oblige à rester à l'abri. L'humidité précédant l'arrivée de la pluie les incite au contraire à sortir, tout comme

« Lorsque le ver de terre perce le chemin la pluie n'est pas loin ».

Quant à cet amoureux du soleil : « le lézard se cache c'est un signe de mauvais temps ».

 

Avant la pluie, les haubans des toiles d'araignées sont courts et tendus. S'il doit faire beau l'araignée les allonge et les détend. Un peu partout en France, on disait autrefois que « les araignées délaissaient leurs cours sombres avant l'arrivée du soleil. »

 

« Araignée du matin, chagrin

araignée du midi, souci,

araignée du soir, espoir. »

 

Dans le monde fascinant des insectes, l'abeille fournit un des meilleurs exemples d'animal baromètre.

Née, selon les Égyptiens, du poudroiement d'or provenant des larmes de Râ, Dieu du soleil, elle n'aime ni la pluie ni l'orage qu'elle prévoit avec une étonnante précision. Ce qui fait dire au dicton que « les abeilles ne s'éloignent pas de leur ruche ou arrivent avant la nuit sans être entièrement chargées si le mauvais temps va arriver. » Il paraît également que « lorsque les abeilles font double ruche, l'hiver sera rigoureux. »

Elle annonce aussi la direction d'où vient le vent ce qui explique l'existence d'une rose des vents apicole :

 

 

« Vent de nord-nord-est : pas de miellée

vent de nord-nord-ouest : miellée médiocre

vent de sud-sud-est : miellée possible

vent de sud-sud-ouest : forte miellée. »

 

 

Une quantité d'insectes ailés ont, avant l'orage, la fâcheuse habitude de s'acharner sur les hommes et le bétail : « quand les moustiques des fosses voltigent le soir en colonnes denses, c'est signe de mauvais temps. »

Les mouches n'annoncent pas que l'orage et si « les moucherons se rassemblent plus épais que cheveux en tête avant le coucher du soleil, le beau temps n'est pas loin. »

 

Petite coccinelle fera-t-il beau demain ?

 

 

« Papi vole, vole, vole, vole.

S'il fait chaud vole haut,

S'il fait froid va te cacher. »

 

 

 

 

 

« Lorsque les oiseaux s'envoient des appels joyeux d'un arbre à l'autre, le beau temps arrive. » Il n'y a rien d'étonnant à ce que l'oiseau serve de présage puisque, symbole céleste, il est, par excellence, le messager des dieux auprès des mortels.

Le coucou messager du printemps arrive en mars le temps des giboulées pas étonnant que son chant annonce un jour mouillé un jour sec.

Même si « une hirondelle ne fait pas le printemps » on considère que l'arrivée de ce charmant oiseau marque le début des beaux jours mais « lorsqu'elle vole bas bientôt il pleuvra. »

« Rouge-gorge chantant de bon matin présage de beau temps » et le merle court en criant le long des haies avant une période de froid mais il siffle avant la pluie.

Le vanneau huppé fait lui aussi figure d'oracle météo fiable. Son arrivée en bande du nord-ouest à l'arrière saison précède de quarante huit heures une importante vague de froid.

 

 

« Si les chouettes font entendre leur gémissement au crépuscule, il fera beau.»

 

 

 

A la basse-cour

 

 

Pour confirmer ce que nous aurons dit les oiseaux sauvages, on pourra toujours se tourner vers la basse cour. Ainsi lorsque pendant l'ondée les poules restent au poulailler serrées les unes contre les autres, la pluie n'est pas passagère mais au contraire si elles continuent à s'ébattre dehors comme si de rien n'était, c'est que le mauvais temps continuera.

 

« Si le coq chante le soir,

C'est signe qu'il va bientôt pleuvoir.

Si le coq chante à midi,

Signe d'un temps de paradis. 

 

 

Le bétail n'est pas en reste. « Lorsque les bêtes à cornes reniflent la pluie est proche ». De même, il est de mauvais augure que les vaches soient toutes couchées du mauvais côté. Il est important de savoir également qu'avant le mauvais temps les vaches sont moins généreuses en lait.

Le chien et le chat, sont bien entendu, les deux animaux familiers de la maison auprès desquels l'imagination populaire a trouvé un terrain propice pour leur accorder le plus de facultés météorologiques.

 

 

« Lorsque le chat fait sa toilette,

S'il ne se frotte pas le nez

Signe de beau temps,

Mais s'il passe sa patte par dessus l'oreille,

Signe de pluie. »

 

et

 

« Avant l'ouragan, le chien a le museau en l'air. »

 

 

 

 

 

 

 

* Météo populaire, patrimoine culturel

 

 

On pourrait ainsi multiplier les exemples avec les papillons, les mouches, les lapins ou les perdrix ...

Certes les animaux n'ont qu'un pouvoir météo limité dans une prévision du temps à long terme. Leur accorder une totale confiance ne saurait être raisonnable.

Il convient cependant de ne pas les oublier car même dépourvues de fondement, ces croyances font partie intégrante de notre identité culturelle et la météo populaire fait partie de notre patrimoine au même titre que des œuvres d'art. Elle est le résultat d'un travail séculaire qui trouve ses racines au plus profond de notre civilisation.

Il serait alors injuste et absurde de ne plus balbutier quelques dictons, certes naïfs mais remplis d'une tendre poésie.

Les laisser disparaître c'est rompre avec le passé, injurier ceux qui en ont méthodiquement élaboré les règles.

Les paysans savaient reconnaître les animaux parce qu'ils les observaient. Ne pourrait-on pas dès l'école réapprendre cette naturelle curiosité ?

 

La météo par les animaux n'est pas une science exacte et, vous l'avez compris, loin de moi la volonté de partir en guerre contre la science.

 

Je pense à notre grenouille du début de cet article car grâce aux animaux et aux mauvaises interprétations que l'on fera de leurs attitudes, il pourra faire beau quand nous aurons prévu le mauvais temps : un peu le droit à l'erreur...

 

Peut-être aurons-nous alors l'impression de poétiser un univers qui a singulièrement besoin de l'être car le jour où la science sera infaillible, notre monde ne sera-t-il pas devenu bien triste ?

 

 

 

 

 

 

Et encore meilleurs voeux !

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #patrimoine

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