DOM URBAIN PLANCHER - AU PATRIMOINE CATONICIEN
Publié le 26 Juillet 2021
« Pour les historiens, le nom d'Urbain Plancher s'identifie à celui de l'histoire générale et particulière de la Bourgogne. Et c'est à bon droit que le nom de ce Bénédictin figure en tête des bibliographies historiques bourguignonnes. S'il n'eut pas le temps d'écrire le dernier volume de cette histoire, c'est de sa plume que sont sortis les trois premiers de cette œuvre monumentale. Ceci suffirait à lui valoir la reconnaissance de générations d'érudits.
On a cependant réduit sa part dans la réalisation de cet ensemble. Un excellent historien a été jusqu'à écrire qu'il « n'avait fait que mettre en œuvre les matériaux amassés par les Bénédictins qui l'avaient précédé ». L'affirmation est très exagérée. Si l'histoire de la Bourgogne est bien effectivement le fruit d'un travail d'équipe, comme toutes les histoires des provinces réalisées par les Bénédictins, la part personnelle de dom Urbain Plancher ne doit pas être sous-estimée » nous explique Jean Richard, historien, professeur à l'Université de Dijon.
* Dom Urbain Plancher est né à Chenu
Mais, allez-vous me dire que vient faire une histoire de la Bourgogne dans un blog qui article après billet vante les personnalités, les mérites, les paysages, les traditions de nos chers Vaux-du-Loir ?
Certes, vous avez avoir mille fois raison ! Néanmoins, si les paysages restent quasi immuables dans notre quotidien, les personnages, eux, célèbres ou non, peuvent soit avoir vécu et évolué tout au long de leur existence dans notre belle région soit y être né puis parti faire leur vie ailleurs démontrant leur savoir et leur puissance créatrice.
Urbain Plancher fait partie de cette seconde catégorie. Il est né à Chenu, notre village, dans l'actuel canton du Lude vers 1666.
Malgré mes recherches, notamment à l'abbaye de Solesmes, je n'ai pu trouver aucune gravure ou portrait du moine pas plus que des informations sur ses origines familiales. Son nom plébéien semble dire qu'il est né pauvre. Peut-être fut-il un enfant trouvé puis élevé dans une famille avant d'être confié à un monastère ?
Signalé comme un jeune homme plein d'espérance, il fut admis dans l'ordre des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. On sait que c'est à la Trinité de Vendôme qu'il fit profession à l'âge de dix neuf ans, le 21 septembre 1685.
Ses supérieurs le chargèrent d'enseigner la philosophie et la théologie aux novices et aux jeunes religieux, et il semble avoir été fort apprécié comme prédicateur.
En 1689, on le retrouve déjà à Dijon puis en 1705 à Sainte-Colombe-lès-Sens en qualité d'administrateur puis de prieur en 1708. Il passe à Ferrières-en-Gâtinais en 1711 puis revient à Sainte-Colombe.
En 1714, il devient grand-prieur de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, et conserve cette fonction pendant plusieurs années. En 1726, il est désigné comme « doyen de la communauté » dans l'enquête sur la création de l'évêché de Dijon.
* Dom Plancher et l'histoire de la Bourgogne
Il est certain que l'initiative de la rédaction de l'histoire bourguignonne ne vint pas de lui. Le projet s'insérait dans la grande entreprise des histoires des provinces que le supérieur de la congrégation de Saint-Maur, dom Maur Audrem, allait inscrire au programme des recherches des Mauristes, après avoir lui-même entamé l'histoire de la Bretagne.
Déjà, la Bourgogne avait bénéficié du labeur de nombreux érudits attachés à réunir les matériaux de son histoire. Les ouvriers de l'entreprise paraissaient tout désignés, puisque l'abbaye dijonnaise de Sainte-Bénigne était depuis 1651 sous le contrôle de la congrégation de Saint-Maur et que le labeur érudit y avait commencé.
En 1732, dom Plancher se trouve pris dans une querelle liée précisément à la création d'un évêché à Dijon sous couvert vraisemblablement d'une affaire de gros sous et de rivalités sur des sources et répartitions de revenus ecclésiastiques.
Le 6 avril 1732, le commandant militaire de la province dirigea en personne une perquisition à Saint-Bénigne et procéda à la saisie de tous les titres et papiers de l'abbaye.
« On fit courir le bruit qu'il y avoit dans les registres de la maison de ville de Dijon une transaction biffée par la malice de quelques religieux » et que le responsable aurait été « le religieux qui travaille à l'histoire de la Bourgogne ».
En définitive, une lettre de cachet éloigna dom Plancher de Saint-Bénigne pour quelques années.
C'est ainsi qu'il fut amené à rédiger à Saint-Germain d'Auxerre une part importante de son histoire ; il y était encore en 1734 et 1735.
Les deux premiers volumes de « l'Histoire de la Bourgogne » parurent chez l'imprimeur Antoine De Fay en 1739 pour le premier et 1740 pour le second. De Fay prit à sa charge les frais d'impression et de gravure, après avoir mis l'ouvrage en souscription. Les États de la province auraient, selon De Fay, attribué une somme 2000 livres « à la charge qu'il fourniroit à la province 42 exemplaires... »
L'emploi des exemplaires était prévu dans les moindres détails : trois seraient reliés en marocain rouge pour être offerts au roi, à la reine et au dauphin ; les autres, reliés en veau, iraient au prince de Condé, aux ministres, aux évêques, aux premiers présidents de la province etc...
La parution des ouvrages suscita nombre de critiques, querelles et controverses jusqu'à notre période contemporaine. Les trois premiers volumes furent édités du vivant du moine le quatrième en 1781 par l'imprimeur Frantin avec une dédicace au prince de Condé.
* Dom Urbain Plancher bon religieux et grand laborieux
Après avoir quitté Saint-Germain d'Auxerre, dom Urbain Plancher revint à Saint-Benigne. C'est là que notre Bénédictin allait rendre son âme à Dieu le 12 janvier 1750 à l'âge de 82 ans, laissant la réputation d'un « bon religieux » ; on vantait « sa science, sa régularité, la candeur de ses mœurs et son attachement à ses amis ».
L'abbé Leboeuf qui le visitait assez souvent quand il était à Saint-Germain d'Auxerre, dans son laboratoire disait de lui : « je le trouve, toujours travaillant, et je n'y reste pas longtemps de crainte de lui ravir un loisir qu'il employe si précieusement...Il se dépêche le plus qu'il peut, à cause de son grand âge, appréhendant de rester en chemin ».
« Ceux qui ont connu dom Plancher vous diront que c'étoit un religieux modeste, qui a écrit sans prétention, n'ayant d'autre vue que de se rendre utile à la province où il avoit fixé sa demeure ; que son âge déjà avancé, lorsqu'il a mis la main à l’œuvre, les conjonctures fâcheuses qui l'ont arraché pendant quelque temps de sa retraite, et le défaut de secours de la part de la Province et de ses supérieurs doivent entrer en considération lorsqu'on entreprend de juger le mérite de son travail. »
Ce qui prouve toute la qualité de l'histoire de la Bourgogne, c'est que même les critiques les plus acerbes ont toujours rendu hommage à ces « preuves » dont notre Bénédictin a étayé son livre.
Malgré les années écoulées, ce corpus garde toute sa valeur. C'est là que se révèle pleinement l'admirable travail d'une équipe ou dom Plancher, ce grand laborieux, ce savant désintéressé, occupe sans conteste possible une place de choix.
* Remerciements
Je n'aurais pu réaliser ce billet sans le bienveillant accueil et l'assistance du bibliothécaire de l'abbaye de Solesmes qui m'a fait découvrir l'édition originale de l’œuvre de dom Urbain Plancher.
Je remercie chaleureusement l'Institut de France qui m'a mis en relation avec Hélène Richard, fille de Jean Richard, universitaire, historien, spécialiste du Moyen Age, professeur à l'université de Dijon, grand connaisseur des travaux de dom Urbain Plancher.
J'ai largement puisé dans ses textes et ses recherches pour tenter de résumer le fabuleux travail du Bénédictin qui fait désormais partie de notre patrimoine catonicien.
Je vous souhaite une bonne semaine !