Vins et vignobles en vallée du Loir

Publié le 25 Novembre 2016

 

Cette belle région, truffée de maisons et de caves creusées dans le tuffeau, terroir béni des dieux est terre du Chenin blanc mais aussi terre d'élection d'un cépage rare, le Pineau d'Aunis, à chair blanche et coque rouge qui ne vient pas de la province du même nom, mais du prieuré d'Aunis près de Saumur. En Coteaux du Loir ou Coteaux du Vendômois, le pineau d'Aunis donne un vin rouge tannique, fruité et poivré, de longue garde, mais surtout du gris, un vin blanc légèrement teinté pendant le pressurage des raisins rouges. A la robe pétale de rose, appelé ici "oeil de gardon", le gris est léger, sec et désaltérant, à boire très jeune. 

Au fur et à mesure de la récolte on "enfonce" et "défonce" les fûts. on colmate les petites fuites avec du jonc puis les barriques sont alignées sur leurs "chantiers" dans la cave, bondes en l'air, les bouchons seulement posés pour que les gaz puissent s'échapper. Une semaine plus tard, on guette les premières bulles de la fermentation. ce n'est pas encore du vin, c'est de la Bernache. Douce, légèrement picotante mais attention à la "déripète" si on en boit trop.

"Vous pouvez y aller de bon coeur, ce n'est pas de la pommade ce petit vin là. S'il est un peu sec, c'est naturel." Ainsi s'exprime le père Froger, un vieux vigneron à la belle moustache blanche. "Avec notre vin vous pouvez avoir confiance, il se boit tout seul. Ca se boit d'une main, ça se pisse de l'autre."

Créateur, esthète, observateur, inventif curieux, malicieux le père Froger est un artiste et n'a d'autre fierté que de faire déguster un produit naturel, car ce vigneron du Loir redoute la sophistication plus que le mildiou. ses vins sont l'expression du terroir, subtile alchimie entre paysages, climat, sols, saisons et traditions. Chaque année est l'occasion d'une nouvelle naissance : le millésime. Attentif, son oeil de vigneron reste dans l'horizon du quotidien. il sait capter chaque changement, chaque évolution, de l'angoisse de la gelée blanche ou du nuage de grêle à la délicatesse du bourgeon, de la grappe naissante, à la promesse du vieux cep. A cette école d'adversité, il nourrit sa foi, forge sa résolution, fortifie sa sagesse.

"Il faut cinq ans pour faire une vigne productrice, douze pour la rendre intelligente et si je commets une erreur, j'en paierai le prix pendant quarante ans. Lorsque je taille, le coup de sécateur engage la future récolte mais prépare déjà la suivante."

Artisan de la méditation, il entraîne amis et dégustateurs dans un lieu magique : sa cave ù des semaines durant il a humé, goûté, soutiré et assemblé ses vins. Dans le calme reposant du tuyffeau, c'est là qu'il garde, à l'abri de la lumière, à température et humidité constante, tout le soleil de la terre. Dans ce grand tombeau, le vin continue à vivre, à suivre le rythme de la vigne. En mai, à la floraison il se prend à murmurer, un doux pétillement se forme comme s'il participait à la renaissance des ceps.

Le père Froger est un bon vivant à la jovialité malicieuse, à la langue colorée et à l'esprit délié. "Au cul de la busse", il s'amuse de certaines embuscades. à des personnalités , Préfet, député, gendarme. Verre à la main, il parle sans fin de coteaux, calcaires, graviers, vieilles vignes, taille, soleil, rondeur, tanins et millésimes. 

Conteur magnifique, en quelques mots brefs, précis, imagés il trace le portait gustatif de ses vins : corsés, désinvoltes, nerveux, subtils et légers, à la fois spirituels et profonds, facilement enjôleurs et un brin fanfarons. Ils commencent en sourdine, accompagnent en bravoure et terminent en feu d'artifice tout bon repas.

(A consommer avec modération)

Rédigé par yves de saint jean

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