LE PLATANE DU CHEF-DE-VILLE
Publié le 16 Janvier 2018

C'est un géant, un colosse avec ses 7 m de circonférence et ses 40 m de hauteur. Selon le propriétaire des lieux, il aurait été planté dans les années 1750.
Prince sage et sédentaire, il a survécu aux épreuves du temps et de l'histoire, supporté les caprices des climats et des saisons. Le printemps est son matin, l'été son énergie, l'automne son crépuscule et l'hiver sa nuit.
Aucune ride sur son écorce, point de feuillage gris dans sa chevelure aérienne. Accroché sur la rive d'un ruisseau, son chevelu terrestre le nourrit et le maintient ferme sur sa terre.
Musicien, une chanson passe en permanence dans ses branches.
Impassible et protecteur, il abrite et nourrit des bandes d'oiseaux et tout un monde visible ou secret.
Cette force de la nature, colosse bienfaisant et serein, lutteur tenace et puissant est un platane.
Il n'est pas « arbre remarquable », il pourrait l'être, peut-être le sera-t-il un jour ? Et puis, a-t-il besoin d'un label pour que nous l'aimions et le protégieons ?
Botanistes et savants venus de pays lointains lui ont déjà rendu visite, preuve que sa réputation a déjà franchi les frontières.

Jardins botaniques, parcs, jardins publics ou privés, arboretums sont peuplés d'arbres de toutes essences provenant des cinq continents qui soulèvent l'admiration et emmènent visiteurs et curieux dans des voyages et des explorations lointaines.
Les chroniques provinciales ont toutes leurs géants. Conifères, feuillus aux formes étranges entourées souvent de légendes représentent un fabuleux patrimoine qui mérite d'être préservé.
Notre platane commun à feuille d'érable, ce roi des avenues et promenades ombragées largement utilisé par le préfet Hausmann sous Napoléon III dans l'aménagement des avenues parisiennes serait un hybride entre le platane d'occident (d'origine américaine) et le platane d'orient.
Bien adapté aux contraintes de la vie urbaine, il est avant tout un arbre mythique de l'antiquité grecque.
Originaire de Perse, il prend pied dans le monde gréco-latin par la Crète.
Hérodote, Pline ou Homère citent des platanes remarquables en Arcadie, à Troie ou en Italie dans le Latium. On dit que c'est sous le « plataniste », plaine ombragée de platanes que s'entraînaient les spartiates et le bois aurait servi à construire le célèbre cheval de Troie.
Tous les voyageurs et touristes du XVII, XVIII et XIX ème siècle citent des arbres aux dimensions impressionnantes soigneusement protégés et conservés sur les places des villes et villages de Turquie.

Pierre Belon fut le premier a semé les platanes en France. On lui doit aussi l'introduction sur notre sol de l'arbre de Judée, du Cèdre, du Chêne liège, du Jujubier, du chêne vert, du génévrier d'orient, de la myrte...
Pierre Belon est sarthois. D'origine modeste, il est né à la Soultière à Cérans Foulletourte près du Mans.
Sa vie est des plus aventureuse et il est incontestablement l'un des premiers voyageurs dont les espèces végétales découvertes ornent aujourd'hui nos parcs, jardins et places de nos villes et villages.
D'abord apothicaire auprès d'éminents prélats qui le protègent. Il est envoyé en Allemagne où il découvre la botanique. Il y apprend l'allemand qu'il parlera parfaitement. Agent secret en Suisse et Allemagne, il accompagnera ensuite deux ambassadeurs de François 1er auprès de Soliman le magnifique. Il va parcourir la Grèce, la Turquie, l’Égypte, l'Arabie, la Palestine d'où il rapporte une multitude d'informations et d'échantillons.
Curieux de tout, fouineur invétéré, au mont Athos il note : « les platanes du mont Athos peuvent être comparés en hauteur au cèdre du mont Liban et aux sapins du mont Olympe et Aman. »
A Antioche, il souligne l'importance des platanes et indique bien que cette essence ne pousse pas en France : « il y a de très beaux platanes à l'entrée d'Antioche, dont il n'en croist aucun en France n'aussi en Italie sinon quelques cultivés à Rome et autres villes pour singularité. »
Il parcourt l'Italie, Venise, Florence, Pise, Sienne. De retour en France, il convainc le roi de l'intérêt d'utiliser les espèces qu'il a remarquées pour le boisement ou l'agrément des parcs... le platane par exemple.
Il rédige de nombreux textes. Un manuel (édité après sa mort) est illustré d'une douzaine de dessins dont un en grand format : le portrait d'un platane.
Ami de Ronsard, il meurt assassiné par un rôdeur dans le château de Madrid dans le bois de Boulogne.
Remercions Pierre Belon qui nous permet d'observer ce géant qui n'a cessé de se répandre pour notre plus grand bonheur comme celui des jardiniers, paysagistes, urbanistes et dont nous avons un magnifique spécimen dans notre village : le platane du Chef-de-ville.
