JOLI MOIS DE MAI
Publié le 27 Mai 2019

Une légende raconte que c’est la déesse grecque Maïa, aînée des Pléiades, fille d’Atlas et de Pléioné qui aurait donné son nom au joli mois de Mai. Séduite par Zeus elle donnera naissance à Hermès. Littéralement, son nom signifie « petite mère ». Les Romains l’auraient adoptée et fêtée le cinquième mois du calendrier grégorien. D’autres pensent que son appellation viendrait du latin « majores » qui signifie hommes âgés, sénateurs auxquels les romains auraient consacré ce mois. Ces mêmes romains fêtaient au début de ce mois la déesse Flore, épouse de Zéphire car Mai est célébré comme l’époque du réveil de la nature, de l’amour et de la fécondation.
Chez les Gaulois, Mai était le mois de la floraison, des « délices », celui de la déesse Vrya. Charlemagne l’appelait « mois des prairies ».
L’origine du mot Mai n’est donc pas nettement établie. Peu importe. Toutes les interprétations sont plausibles mais dans tous les cas, elle symbolise le renouveau et la renaissance.
« Mariages de Mai ne fleurissent jamais »
« Il en est du mois de Mai comme des femmes » écrivait Ernest Laut, rédacteur en chef du « Petit Journal Illustré » dans son numéro du 1er mai 1921, en ajoutant aussitôt qu’on en dit beaucoup de bien mais aussi beaucoup de mal car le mois de Mai a souvent été regardé comme un mois dangereux et décevant.
Les anciens lui avaient voué une véritable rancune. Ils le disaient néfaste et conseillaient de ne rien entreprendre durant cette période. Il était même recommandé de ne pas se marier. Déjà Horace avait consacré quelques vers à cette superstition : « les flammes de l’hymen qui s’allumeront pendant le mois de Mai se changeront bientôt en torches funèbres ».
Celle-ci a traversé les siècles car dans le registre chrétien il a été choisi pour fêter la vierge Marie, sans doute parce que ce mois était considéré depuis l’antiquité comme défavorable au mariage : « Mariages de Mai ne fleurissent jamais » dit le dicton et ce préjugé n’avait pas encore complètement disparu au XXème siècle. Je l’ai même encore entendu, il y a peu, dans nos campagnes. Les statistiques de l’état civil montraient d’ailleurs que les mariages étaient infiniment plus nombreux en avril ou en juin qu’en Mai.
Le mois de Marie, Rogations ou saints de glace…

Aujourd’hui, ce mois, ne porte plus le poids de tant de haines injustifiées. Et de toutes les traditions, une seule a vraiment survécu, celle qui en fait la saison du renouveau et des métamorphoses.
Il était celui des rogations, les trois jours qui précèdent l’Ascension, l’une des principales fêtes chrétiennes qui célèbre l’élévation au ciel de Jésus Christ ressuscité.
Les rogations, traditions perdues, instituées en 464 par Saint Mamert avaient pour objet de demander à Dieu un climat favorable, une protection contre les calamités. Au cours d’une longue procession sur tout le territoire de la paroisse, on priait à certains points d’arrêt (calvaires, croix, bornes…). Le prêtre bénissait alors les terres, les récoltes et les bêtes dans les champs. Il y avait des collations et même de vrais repas. Le troisième jour était en général consacré à la bénédiction des vignes et en l’absence de celles-ci aux cultures les plus importantes de la région, blé, maïs ou pommes de terre…
Les 11, 12 et 13 mai reste la période climatique qui demeure un marqueur pour les jardiniers et les agriculteurs, celle des dernier gels avant lesquels on évite de semer et planter. Bien qu’aléatoires à cause des variations locales, la popularité des saints de glace est encore vivace : « Saints Mamert, Pancrace et Servais sont toujours des saints de glace » dit le célèbre dicton.

L'Arbre de Mai
Dans la tradition populaire, la nuit du 30 avril au 1er mai était chargée de symboles. C’est cette nuit-là que les jeunes gens plantaient « Le Mai » qui consistait à déposer devant la porte des filles à marier un petit arbre sans racines ou des branchages qui avaient un langage. Les amoureux timides trouvaient là l’occasion d’exprimer leurs sentiments. Si certaines essences étaient souhaitées, d’autres l’étaient beaucoup moins. Un bouquet de fleurs des champs équivalait à une déclaration d’amour, l’épine blanche célébrait la virginité et le sapin était gage d’amitié et de respect. La ronce, par contre, dénonçait un mauvais caractère ; le houx comme le sureau exprimaient dédain et mépris. Le bouleau voulait dire vertu ; le saule, coquetterie ; le genêt, bêtise ; la fougère, fierté ; l’aulne, abandon ; le coudrier, amour passionné quant à une vertu douteuse celle-ci était fustigée par une branche de sureau ou par l’association d’une carotte avec deux pommes de terre ou deux oignons…C’est ainsi que les jeunes gens faisaient aux filles du village aveux ou reproches et devant les maisons des rondes s’organisaient :
« Ah ! Voici le mois de Mai
Où les amoureux plantent leur Mai
J’en planterai un à ma mie
Il dépassera son toit… »

La rosée qui couvrait le sol au matin du premier jour du mois était douée de vertus. Elle était censée blanchir le linge taché d’humidité. Recueillie avant le lever du soleil elle adoucissait la peau, éliminait rousseurs, boutons et dartres. Quant aux vaches qui absorbaient cette rosée elles donnaient un « lait de Mai » chargé de vertus médicinales qui se transmettaient au « beurre de Mai » baratté le jour même. Plus simplement, consommer le lait et le beurre de Mai était l’occasion de fêter la renaissance de la nature par le retour des vaches dans les pâturages.
Voltaire qui suivait la tradition écrivait à une amie en 1723 : « Dites à Mademoiselle Lecouvreur qu’il faut qu’elle hâte son voyage si elle veut prendre du lait de saison. »
En ville, même aujourd’hui, le beurre de mai est recherché, non pour ses vertus thérapeutiques mais pour son goût délicat et sa richesse.

Mai a inspiré de nombreux proverbes et dictons dont le plus connu « En avril ne te découvre pas d’un fil en mai fait ce qu’il te plait ». Bourvil a chanté son Joli mois de mai
« Joli, joli, joli mois de mai,
celle que j'aimais
m'abandonnne.
Elle est partie pour longtemps,
… »
Pour ceux qui croient à l’astrologie, celle-ci nous apprend que les femmes nées en Mai sont généralement jolies, gracieuses et sensibles, de caractère droit et courageuses dans les épreuves de la vie. Quant aux hommes, ils sont gais, aimables, ingénieux, loyaux et que le destin leur est favorable. Mais à y bien regarder on peut trouver les mêmes les autres mois.

Mai est le mois du muguet que l’on offre en gage d’amitié et de porte-bonheur le premier jour du mois. On y fête le 8 la fin des hostilités de la seconde guerre mondiale. Autrefois on plantait un arbre décoré d’un drapeau tricolore devant la maison d’un nouvel élu. Arbre de la liberté ou plus vraisemblablement arbre de Mai, symbole de la franchise populaire dans la tradition agraire. L’arbre qui consacre et renouvelle le pacte entre la nature, la végétation, l’amour, l’homme et le pouvoir. A l’élu de s’en montrer digne.
Est-ce par référence à ce renouveau que le mois de Mai est de longue date le mois d’élections présidentielles ou celui, il y a quelques années, d’une explosion contestataire ?
Décidément Mai est un sacré mois !
