BONJOUR MON CHOU

Publié le 30 Janvier 2020

« Vous venez du golf Octave ? lui demanda-t-elle.

Ça a-t-il bien marché ? Etiez-vous en forme ?

Oh ! Ça me dégoûte, je suis dans les choux, répondit-il.

» Marcel Proust - A l'ombre des jeunes filles en fleurs.

C'est l'hiver et le potager de Saint Jean, comme tous les autres, est entré dans un repos bien mérité. Seul, le chou, toujours en place dans le jardin, règne sur les légumes et affirme sa très ancienne préséance dans le monde des plantes potagères.

Le chou qui domine la table depuis l’antiquité se ramifie et se divise en multiples formes et variétés qui triomphent selon les saisons : pommés ou cabus, verts ou frisés, de Milan sorte de synthèse des deux précédents, le rouge est un pommé au feuillage rutilant, le chou-rave, et le chou-navet ou rutabaga présentent une hypertrophie racinaire, le Bruxelles (apparu en Belgique en 1785) est le résultat du développement de bourgeons latéraux. Quant au chou-fleur, Romanesco ou brocolis c'est à la monstruosité de leur hampe florale atrophiée et raccourcie qu'ils doivent leur belle pomme blanche, verte ou violette pour le dernier. N'oublions pas le gigantesque chou de Saint-Saëns qui peut peser 20 kg et mesurer 1.30 m de diamètre.

« Il en est de géants et de nains, de ventrus comme des financiers et de grêles comme des poètes incompris ; certains s'adornent de frisures aux boucles robustes, d'autres ont la calvitie des vieux savants... Si la plupart portent l'habit vert des académiciens, quelques privilégiés de la famille Chou arborent le violet épiscopal ou la pourpre cardinalice » et Henri Leclerc dans son « Légumes de France » de poursuivre « les choux m'ont toujours fait penser à ces familles nombreuses où l'on voit représenter les types les plus variés de l'humanité »...

A l’origine, il y a le « brassica oleracea » qui pousse à l’état sauvage. On le rencontre encore sur les côtes rocailleuses du sud-est, du nord de l’Espagne ou sur les falaises maritimes en Normandie et dans les Charentes.

La carrière du chou s'est développée sur un théâtre strictement européen, exclusivité qui mérite d'être signalée.

Des documents archéologiques témoignent que certaines formes de choux étaient déjà cultivées au néolithique par les habitants des cités lacustres.

Plusieurs milliers d’années de culture et de sélection ont abouti à des variétés et des races très distinctes où il est bien difficile de reconnaître l’ancêtre selon qu’on a voulu développer les feuilles (chou vert, chou à grosses côtes), la pomme : pointue, conique, ronde ou plate (chou de Milan, chou rouge, choux de Bruxelles), les fleurs (brocolis, chou-fleur) ou la tige (chou rave).

Les bienfaits du Chou

Exclusivement européen comme je l'ai écrit plus haut, il a servi de base alimentaire depuis des siècles. Il était consommé tous les jours à tous les repas l’hiver et au moins une fois par jour en été. Celtes, Germains et Romains le cultivaient abondamment. Ces derniers en firent la panacée de leur pharmacopée et virent dans ce légume le remède universel à tous les maux.

Caton n'en disait que du bien : « Si dans un repas, vous désirez boire largement et manger avec appétit, mangez auparavant du chou cru confit dans du vinaigre, et autant que bon vous semblera. Mangez-en encore après le repas ! Le chou entretient la santé, on l'applique plié sur les plaies et les tumeurs, il guérit la mélancolie, il chasse et guérit tout ! »

Médicament antidouleur, en usage externe, le principe est d'écraser la feuille avec un rouleau à pâtisserie après lui avoir enlevé la côte centrale, de la chauffer et de l'appliquer toute une nuit sur la partie douloureuse. Il soulage les rhumatismes, les articulations mais aussi les brûlures et fait mûrir les furoncles.

Il est considéré comme nettoyant, laxatif et diurétique, fortifiant et réchauffant. Peu calorique, pauvre en matières grasses, il est difficile à battre dans un régime faible en calories. Ses feuilles sont riches en vitamines C d'où une réputation fondée sur le scorbut mais aussi en vitamines K, B1, B6, en fer et manganèse...

La présence de dérivés sulfurés confère aux choux des propriétés antimicrobiennes. Il stimule la fonction intestinale et désinfecte l’intestin.

Henri Leclerc disait : « Rien de plus sain, au contraire, que la choucroute qui joue un rôle bienfaisant dans la police du tube digestif. »

Expressions et anecdote

Vous qui connaissez tout du miracle de la vie savez que les petits garçons naissent dans les choux et les petites filles dans les roses.

Alors expliquez-moi pourquoi on envoie sur les roses quelqu'un qui vous a pris le chou ?

Bonne question n'est-ce pas ?

C'est « bête comme chou » mais je ne voudrais pas clore « cette feuille de chou » sans vous préciser que le chou peut se cuisiner de mille façons : à la béchamel, en gratin, en purée, en potage, à la crème etc...

Des cuisiniers en ont fait leurs « choux gras » jusqu'à vous « prendre le chou ».

Sachons, néanmoins, « ménager la chèvre et le chou » dis-je et éviter de leur « rentrer dans le chou ». Ce serait malvenu. On peut « faire chou blanc », voire carrément « tombé dans les choux » et au pire même après la bagarre se retrouver avec les « oreilles en feuilles de chou ».

Je vous fais grâce de « mon petit bout de chou » et avant de « retourner planter mes choux », je termine ce billet par une anecdote racontée par le célèbre Jean Marie Pelt :

« Le cardinal de Richelieu étant allé visiter un couvent de capucins, un moine fut chargé de le haranguer au milieu des autres religieux réunis dans la salle du chapitre ; l'orateur, bien qu'il parut un peu gauche, s'acquitta le mieux du monde de sa mission. Richelieu le complimenta et lui demanda comment il se faisait qu'il n'eût pas été intimidé devant un prince de l’Église : « C'est bien simple, Éminence, lui dit le bon moine ; je m'étais habitué à cet honneur redoutable en répétant chaque jour mon discours devant un carré de choux au milieu duquel se trouvait un gros chou rouge. »

Bonne « chouarée » !

(Nul, je suis d'accord mais je n'ai pas résisté)