CHANTERELLES

Publié le 17 Novembre 2024

 

 

 

Veste chaude, casquette sur la tête, bottes aux pieds et canne à la main me voici en route de bon matin en ce mois de novembre pour une balade dans les bois avec le projet annoncé de chercher des champignons. Une légère brume enveloppe la campagne. Les arbres ont pris leurs belles couleurs de l'automne. Humidité et douceur du temps, cette année le climat me semble idéal pour mon entreprise.

Mes pas me dirigent vers un petit taillis que je connais depuis l'enfance, mélange de châtaigniers, chênes, et résineux, le bel endroit pour voir pousser les chanterelles.

 

 

 

Ma récolte

 

 

 

Une belle récolte

 

 

C'est une chasse spéciale car la chanterelle est rusée.

Arrivé sur les lieux, je flaire, je regarde, j'explore les broussailles, j'avance à petits pas, les yeux fixés sur le sol car la petite futée a pris ses habits de camouflage de la couleur brune et dorée des feuilles.

Il faut scruter le sol avec patience. Je ne vois rien, je soupire.

Il suffit d'en voir une seule, enfin. Je m'accroupis et je découvre alors toute une colonie. La chanterelle, c'est connu, sort en groupe de plusieurs dizaines voire centaines d'individus.

Elles se dessinent, se redressent, se contournent de mille façons. Elles se cachent sous les feuilles. Il suffit de les soulever légèrement pour qu'elles apparaissent avec leurs petits chapeaux tout rayonnant d'or. Il se peut quelquefois qu'elles changent de couleur et de parure. Ce sont des coquettes qui soignent leurs teints pour mieux attirer les regards.

Je les dévore de l'œil, les cueille, j'aspire leur parfum, joie et bonheur !

Elles peuvent accompagner quelques blancs pieds de mouton ou un cep cachant sous son chapeau d'ébène un embonpoint excessif, quel contraste !

Je poursuis ma quête dans le silence du taillis entrecoupé du cri de quelque oiseau surpris de ma présence sous ce doux ombrage des châtaigniers, mélodie douce, simple, ravissante. Agenouillé sur les feuilles et la mousse soyeuse, les doigts griffés par les ronces, j'avance sans gratter le sol, laissant le minimum de trace de mon passage.

Deux ou trois heures plus tard, peut être, je n'ai pas vu le temps passer, ma récolte est terminée riche de six kilos de ces merveilleux petits « pieds jaunes ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Une coquette

 

 

Elle se reconnaît à son chapeau en forme d'entonnoir rappelant une fleur, sous lequel se trouvent des plis. Les bords sont enroulés, festonnés, fendus en lobes inégaux et irréguliers. Son pied est lisse et creux brillant jaune-rougeâtre-or. Elle ne dépasse pas les 10 cm.

Celle que je viens de découvrir est la chanterelle jaune « Cantharellus lutescens ». Elle fait partie d'une vaste famille dans laquelle on trouve la girolle « Cantharellus cibarius », d'un jaune vif, la chanterelle noire ou trompette de la mort « Craterellus cornucopoides » .

Elle se plaît dans les lieux frais et ombragés aussi bien sous les feuillus que sous les conifères. Si les conditions sont favorables, on la trouve d'octobre à novembre et parfois même jusqu'en décembre.

Son usage répandu dans toutes les provinces, lui a valu une foule de noms vernaculaires, tels que ceux de grésille, gyrole, cheveline, chevrette, gingoule, jaunelet, girandet, , escrabille, mousseline cassine, gallinace, crête de coq ou oreille de lièvre...

Son nom de chanterelle aurait été emprunté par le botaniste et médecin Bauhin, au 15e siècle, au patois du pays de Montbéliard.

 

 

 

 

 

 

 

 

Champignon léger pour l'estomac

 

 

 

Peu de champignons offrent autant de sécurité que la chanterelle si reconnaissable à son chapeau et son pied jaune, qu'il est impossible de la confondre avec d'autres plantes de nature vénéneuse.

Dans son délicieux ouvrage « l'Histoire des champignons comestibles et vénéneux » publié en 1841, Joseph Roques raconte que « ces champignons sont plus légers sur l'estomac lorsqu'on les accompagne de quelques petites doses de vin de Saint-George ou de Pomard. Tous ceux qui ont le bonheur de s'asseoir à la table de M. de Germonville, cet aimable amphitryon, savent que ces vins sont exquis, qu'il les verse d'une main généreuse et qu'il en fait les honneurs avec une grâce parfaite. »

Pour les cuisiner, il conseille de « les nettoyer et les passer à l'eau bouillante ; ensuite les faire cuire avec du beurre frais, un peu d'huile d'olive, de l'estragon haché, du poivre, du sel et un peu de zeste de citron. Lorsqu'elles sont cuites, on les laisse mijoter sur un feu doux pendant quinze à vingt minutes, et on les arrose de temps en temps avec du bouillon ou de la crème, ou bien on les lie avec des jaunes d'œufs. »

On peut également préparer les chanterelles avec de la volaille ou toute autre viande, en ajoutant à l'assaisonnement ordinaire un peu de jus de citron.

Certains la préparent en purée et servie sous un filet de bœuf, assaisonnée de tomates et fines herbes, d'estragon fraîchement cueilli et non conservé.

Tout simplement elle peut s'apprêter avec du beurre, du poivre, du sel un soupçon d'ail sur des tranches de pain grillé.

 

 

 

 

Trompette de la mort

 

 

 

 

La conversion d'un chanoine

 

 

 

Mais si on peut louer les qualités gustatives du merveilleux champignon, il possède aussi le pouvoir de conversion.

Ainsi, raconte Joseph Roques, monsieur l'abbé C., ancien chanoine de Reims, d'une assez belle stature, passablement ventru, carré, potelé, quoiqu'il ait vu passé toute une génération gourmande, ne manquait jamais de déclamer contre l'usage des champignons des bois, horrible poison à son avis, n'épargnant à toutes occasions de ses sarcasmes les plus célèbres mycophiles.

Il fut alors décidé de corriger et convaincre ce gourmand à la fois incivil et rebelle.

Tout fut disposé pour cette correction, qui, d'abord menaçante, procura un vif plaisir à notre chanoine.

Un jour où il fut invité à dîner au château, fut préparé un plat de chanterelles servi immédiatement après le potage. C'était l'unique plat à figurer sur la table. Ce ragoût dressé avec art, d'un aspect ravissant, exhalait un parfum qui excita l'allégresse de tous les convives.

On pouvait même voir sur le visage du chanoine un mélange confus de sentiments contraires ; la surprise, la crainte, les regrets, la convoitise s'y peignaient tour à tour, et lui imprimaient un caractère indéfinissable.

Pendant qu'étaient savourées à la ronde les chanterelles et arrosées d'abondantes libations, notre pauvre abbé était au supplice. Sa sensualité réclamait sa part du festin, la crainte du danger lui recommandait de s'abstenir ; mais à table le temps perdu est quelquefois irréparable.

Le plat de champignons diminuait à vue d'œil, et le premier flacon était déjà vide.

Ce nouveau Tantale fut prit en pitié et on lui servit le reste du ragoût.

« Soyez sans inquiétude, lui dit-on, voici le contre-poison, avec ce vin parfait, vous pourrez affronter tous les périls ».

Tout aussitôt un miracle s'accomplit. Son front, auparavant nuageux, se déride et devient serein comme le ciel après la tempête ; son triple menton se déroule majestueusement, ses lèvres épaisses et vermeilles s'entr'ouvrent, et sa bouche aspire la vapeur odorante des champignons.

Profitant de ce premier succès, on débouche un nouveau flacon de vin de Saint-George ; le nectar coule dans les verres en flots de pourpre ; le chanoine rassuré, vide promptement le sien, et s'écrie, saisi d'un saint enthousiasme, la figure épanouie, radieuse où brille toute la béatitude gastronomique : « O l'aimable contre-poison ! Quel baume consolateur ! Qui pourrait ici méconnaître la main de Dieu, qui, dans sa bonté ineffable, a placé le remède à côté du poison ! »

Le chanoine devint subitement silencieux, la tête légèrement inclinée sur la table, il aspirait la vapeur odorante des champignons ; il les savourait, les analysait avec cette délicatesse qui n'appartient qu'à un palais expérimenté et, dans son regard plein d'amour, on put lire tout le contentement de son âme.

 

Ainsi, pas plus tard que samedi dernier, Catherine a préparé pour une réception entre amis quelques paupiettes de veau sur un lit de ces chanterelles de ma récolte accompagnées d'une sauce dont elle a la connaissance, plat délicieux, dégusté, comme pour notre chanoine, dans un silence quasi mystique.

 

 

 

 

 

 

 

 

LA RECETTE DE CATHERINE

 

 

 

 

 

 

PAUPIETTES DE VEAU

 

 

 

 

 

J'avoue avoir réalisé cette recette à l'instinct, un peu à la Dodin Bouffant comme a dit une de nos invités qui a apprécié le film « La Passion de Dodin Bouffant ». Nous sommes allés le voir 2 fois et je le recommande aux épicuriens et amoureux des belles images.

Je vous la restitue au mieux, laissant à chacun le soin d'y mettre sa « patte ».

 

Pour 8 paupiettes (1 par pers.) préparées par votre boucher avec une chair fine à base de veau et de porc

Je conseille de les préparer la veille même l'avant-veille, elles n'en seront que meilleures.

 

Faire revenir de part en part dans un filet d'huile d'olive les paupiettes jusqu'à ce qu'elles soient marquées. Ajouter 2 échalotes et 1 oignon ciselés. Lorsqu'ils sont dorés, ajouter 2 grosses cuillères à soupe de chutney (préparation personnelle à base de tomate verte, pomme, poivron, whisky) - vous en trouverez dans le commerce tout prêt, il en existe plein de sortes. Mélanger. Ajouter 50 cl de vin blanc sec, 3 c.s. de concentré de tomate, 1 feuille de laurier, 1 belle pincée de thym, 1 bol de jus de poulet fermier congelé (je conserve le jus du poulet rôti que je filtre, dégraisse et garde au congélateur), à défaut ajouter 1 bouillon cube de volaille et 1 verre d'eau, 2 gousses d'ail et quelques brins de persil ciselés, du sel, du poivre.

Laisser mijoter 1 h à couvert.

Laisser reposer 1 jour, voire 2.

Chauffer vos paupiettes, les retirer et ôter la ficelle à l'aide de ciseaux.

Ôter de la sauce la feuille de laurier. La pulvériser avec votre mixer plongeur. Ajuster l'assaisonnement. Disposer vos paupiettes dans un plat de service qui passe au four. Le recouvrir d'une feuille d'alu ou de papier sulfurisé. Il vous suffira de le réchauffer avant de le servir accompagné d'une petite marmite de chanterelles.

Obs. : j'ai noyé mes chanterelles dans mon plat de paupiettes dernièrement mais je vous conseille de les servir à part, vous en apprécierez davantage la délicatesse.

 

MARMITE DE CHANTERELLES

 

J'ai ensaché la cueillette de chanterelles que Yves a réalisée dernièrement. Je les ai cuisinées à la sortie du congélateur sinon vous pratiquez de la même façon si elles sont fraîchement cueillies. Dans les 2 cas, les frotter délicatement et couper le pied qui aura pu retenir un peu de terre ou de mousse.

 

Verser 1 filet d'huile d'olive dans un wok et 1 c.s. de beurre. Verser 750 g de chanterelles. Les laisser fondre et rejeter leur eau de végétation. En cours de cuisson, ajouter 1 gousse d'ail et du persil ciselé. Saler, poivrer. Laisser dorer légèrement après évaporation de l'eau. Ajuster l'assaisonnement. De façon optionnelle, vous pouvez ajouter 1 c.s. de crème entière.

Vous réchaufferez la marmite couverte avec le plat de paupiettes.

 

Enfin, pour clore ce billet, je vous confirme qu'à aucun moment je ne vous dévoilerai mon coin à champignons.

C'est un secret !

 

 

 

Bonne semaine à tous !

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #gastronomie

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