MAI, LE JOLI MUGUET

Publié le 1 Mai 2025

 

En ce  1 er mai ensoleillé, permettez-moi de vous offrir un frais bouquet de muguet du jardin, symbole de bonheur.

On l’appelle « Clochette des bois », « Grelot », « Grillet », « Lis de mai », ou « Lis des vallées » (en anglais « lily of the valley ») en raison de son goût marqué pour les terrains légèrement humides mais aussi « Gazon de Parnasse » car la légende dit qu’il fut créé par Apollon, dieu du mont Parnasse, afin que les neuf muses qui l’entouraient puissent fouler ce doux tapis vert sans blesser leurs pieds délicats. On l’a également nommé  « larmes de Notre-Dame » parce qu’il serait né des larmes versées au pied de la Croix. On dit également qu’au moment de la création du monde cette douce fleur ornait les deux côtés de la porte du paradis et que ses clochettes tintaient chaque fois qu’un brave homme passait.

Sa floraison coïncide avec le retour des beaux jours. On dit que le rossignol ne revient dans la forêt que lorsque le muguet a fleuri en mai. Elle est la plus charmante et la plus fraîche des fleurs. Symbole de renouveau et de printemps, il n’est donc pas étonnant que le muguet devienne celui du bonheur et de porte-bonheur.

 

 

 

 

Pas de 1er mai sans muguet

 

La coutume d’offrir du muguet le 1er mai comme porte-bonheur trouverait son origine sous Charles IX. Un certain chevalier Louis de Girard de Maisonforte revenant d’une mission en Italie avait cueilli un bouquet de muguet dans son jardin. Il l’offrit au futur Charles IX, frère du roi François II, alors régnant.

A la mort de François II, le 5 décembre 1560, Charles devint roi le 1er mai 1561. Sensible à l’attention du chevalier, il décida d’offrir à son tour du muguet autour de lui et toutes les dames de la cour portèrent le brin royal.

Ainsi serait née la tradition.

 

Félix Mayol

 

Celle-ci ne dura guère et il fallut attendre la fin du XIXème siècle et le début des années 1900 pour la voir renaître sous l’impulsion de plusieurs événements.

A cette époque, tout homme élégant portait traditionnellement au revers de la redingote une fleur de camélia. Le 1er mai 1895, Félix Mayol, le chanteur à la houppe de cheveux du célèbre « Viens Poupoule » est accueilli, à la gare, par une amie, Genny Cook, qui lui offre un brin de muguet. Le soir même, il arbore la jolie fleur à clochettes pour sa première sur la scène du « Concert Parisien ». Sa représentation faisant un triomphe, il conservera cette habitude en guise de porte-bonheur. C'est en 1921 que le muguet de Félix, originaire de Toulon, deviendra l'emblème du Rugby Club Toulonnais dont le stade porte encore aujourd’hui le nom du chanteur.

Lors d’une fête organisée le 1er mai 1900 les couturiers parisiens souhaitent célébrer les femmes. Clientes et employées se voient offrir un brin de muguet. L’année suivante les petites mains perpétueront cette tradition en fleurissant les clientes. Dior en fera l’emblème de sa maison de couture.

Quelques années plus tôt en 1890, lors d’une manifestation à Paris, les manifestants défilèrent en portant accroché à la boutonnière un triangle rouge symbolisant leurs revendications, à savoir, la division idéale de la journée en trois huit : travail – sommeil – loisirs. Le triangle fut remplacé par la fleur d’églantine puis par le muguet ceinturé de rouge. Le 24 avril 1941, le gouvernement de Vichy instaure officiellement le 1er mai comme « fête du travail et de la concorde sociale ». L’églantine rouge associée à la mémoire du sang versé lors de la répression sanglante de Fourmies dans le nord qui fit 9 morts est abandonnée au profit du muguet.

 

 

 

 

Un parfum de muscade

 

L’origine du mot muguet vient de la forte odeur de muscade qui se dégage de sa fleur et lui a tout d’abord valu le nom de « mugade » puis de « muguette » et enfin de muguet. Au 16e siècle la noix de muscade s’appelait « noix de muguette ».

Chacun connaît la chanson de Francis Lemarque « Il est revenu le temps du muguet » écrite en 1959 sur une musique de chant traditionnel russe « Les Nuits de Moscou » :

« Il est revenu le temps du muguet

Comme un vieil ami retrouvé

Il est revenu le long des quais

Jusqu’au banc où je t’attendais

… »

Mais saviez-vous que le muguet désignait aussi un homme ainsi défini dans le dictionnaire comique de Leroux comme étant un godelureau, damoiseau, petit maître à la mode qui affecte les bonnes manières et donne le ton, toujours ajusté et paré comme une femme ; délicat, pimpant, poudré et essencé, qui fait le beau et l’Adonis. Ce charmant monsieur aux abondantes qualifications avait reçu son nom de l’essence du muguet dont il se parfumait. Il n’avait pas bonne réputation. Molière ironise sur ce personnage dans « L’Ecole des Maris » (act.1-sc.1)  et Desportes dans « Les Amours d’Hippolyte » le traite sans ménagements :

« Fuyez aussi toute accointance

De ces muguets plein d’apparence,

Qui se paissent de vanité

Et qui fondent leur récompense

Plus au bruit qu’à la vérité ».

Si aujourd’hui on utilise d’autres termes pour désigner des jeunes gens faisant profession d’élégance, on le trouve encore dans certaines pages littéraires de Victor Hugo ou de Musset. Il a donné naissance au verbe muguetter qui signifie faire le galant ou chercher à plaire.

Il a même pris de l’extension et exprime également la volonté de  convoiter, briguer, d’obtenir. Saint-Simon raconte dans ses mémoires que le duc de Noailles obtint du régent la capitainerie de Saint-Germain qu’il avait depuis longtemps muguettée et Voltaire dans « Le Droit du Seigneur » (act.1-sc.2) nous dit :

« …une fille d’ici

Me tracassait, me donnait du souci :

C’était Collette, et j’ai vu la friponne

Pour mes écus, muguetter ma personne. »

 

Quoiqu’il en soit, de Charles IX à Mayol ou Dior, le « Convallaria Majalis », nom latin de cette délicieuse fleur qui symbolise le retour du printemps, plonge ses racines dans des traditions lointaines et les  cérémonies romaines faites à Flora déesse des fleurs. Avec lui  on fête les 13 ans de mariage.

Il préfère les endroits ombragés et humides mais si l’endroit lui plaît il peut vite s’étendre et devenir envahissant.

Brassens l’a chanté :

« Le premier Mai c’est pas gai,

Je trime a dit le muguet,

Dix fois plus que d’habitude,

Regrettable servitude.

Muguet, sois pas chicaneur,

Car tu donnes du bonheur. »

 

Jacques Gamblin et Jacques Villeret le cueillent dans le film « Les Enfants du Marais » pour gagner un peu d’argent et je termine cet article par cette chanson de Raoul Ponchon qui raconte les déboires des fleuristes au panier que les fleuristes en boutique voulaient empêcher de vendre leurs brins de muguet :

« Ainsi donc, jeunes midinettes,

Petits trottins et trottinettes,

Vous n’avez pas votre muguet,

Du premier mai, frêle et mystique,

A moins d’aller dans les boutiques

Où le syndicat fait le guet.

Mais consolez-vous,  à tout prendre                                                                                   

Vous ne perdrez rien pour attendre

Vous aurez le muguet des bois

Un peu plus tard, et plus sincère,

Que celui qui pousse dans des serres.

Et plus parfumé mille fois. »

 

 

Passez un bon 1er mai 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #patrimoine

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