DANS MON JARDIN

Publié le 1 Juin 2025

 

« Un philosophe austère, et né dans la Scythie,

Se proposant de suivre une plus douce vie,

Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux

Un Sage assez semblable au vieillard de Virgile ;

Homme égalant les Rois, homme approchant des Dieux,

Et comme ces derniers satisfait et tranquille.

Son bonheur consistait aux beautés d’un Jardin. »

La Fontaine - Le philosophe Scythe

 

Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire humaine, créer ou entretenir un jardin a toujours été considéré comme bien plus qu’un métier, une occupation ou un loisir : une véritable aventure spirituelle. En témoigne une profusion de textes, récits, souvenirs ou contes qui, au fil des siècles, évoquent l’essence sacrée du jardin. « Quel plaisir de se promener dans le jardin ! Je fais le tour de l’infini… » nous dit le poète chinois Xi Kang au 3e siècle. Au 20e siècle, la romancière  Ghislaine Scholler décrit le jardin comme « une méditation à ciel ouvert, un secret révélé à qui le mérite ».

 

«  Si tu veux être heureux une heure, bois un verre ;

Si tu veux être heureux un jour, marie-toi ;

Si tu veux être heureux toute ta vie, fais-toi jardinier. »

Nous dit un proverbe chinois

 

 

 

 

Il m’a souvent été demandé ce que je cultive dans mon jardin ; essentiellement des légumes ou uniquement des fleurs ? Les deux, bien entendu, l’un ne peut se concevoir sans l’autre.

Chaque année, j’utilise deux carnets : un petit moleskine à la couverture rose ou bleue et l’agenda de l’année. Sur le premier, à l’aide d’un croquis coloré j’imagine la future implantation des différents légumes qui peut éventuellement changer en cours de route. Sur le second, je note au quotidien les travaux effectués, motobineuse, grelinette, semis sous le chassis ou directement en place, plantations, apport de fumier, pulvérisation de purin d’ortie, de rhubarbe comme insecticide ou de bicarbonate de soude contre les attaques de champignons, etc.

C’est ainsi que je me suis aperçu que certains de mes  légumes comme les bettes, par exemple, refusaient la rotation des cultures et préféraient rester chaque année dans le même carré. Les plantes ont parfois un sacré caractère.

Je me soumets donc à leur choix.

Cette année, comme l’an passé, j’ai opté pour la production de mes propres plants dans une petite serre de ma fabrication : choux-cabus, de Milan, rouges ou choux-fleurs, céleris, poireaux, tomates, fenouils, courgettes, potirons, potimarrons, butternuts, bettes, aubergines…

Je suis assez content de moi.

 

ma petite serre


»

« Moi aussi je vais faire un voyage, et moi aussi je vais voir des choses nouvelles et extraordinaires, et moi aussi j’aurais des récits à imposer ! Faites le tour du monde, moi je vais faire le tour de mon jardin.  Alphonse Karr (1808-1890) - romancier, journaliste

 

 

 

Pour ce billet de fin mai, début juin, je vous propose une petite balade dans mon univers accompagné de quelques anecdotes de ces plantes venues du fond des âges qui nous régalent autant les papilles que l’imaginaire : roses, céleri-rave,  groseille, persil,  pomme de terre et autres petits secrets de jardinier.

 

Le persil

 

 

Une tradition tenace veut que seuls les fous réussissent sa culture. Encore faut-il qu’il soit semé au jour du Jeudi saint si l’on veut passer une bonne année. Abortif, il l’était aussi autrefois et les « faiseuses d’anges » en usaient abondamment. Cette réputation maléfique est sans doute due au fait que son semis est très capricieux. On dit même que sa graine descend sept fois en Enfer avant de germer. Bigre ! Le persil pourtant que l’on ne doit jamais repiquer sous peine de malheur, a eu ses heures de gloire. Lors des Jeux olympiques anciens, c’est un bouquet de persil qui était offert au vainqueur.

 

Le chou

 

 

Tout le monde le sait, les garçons naissent dans les choux et les filles dans les roses. C’est sans doute pour cette raison qu’en Périgord le cortège du mariage était précédé de porteurs de choux censés attirer sur les mariés la bénédiction. Ailleurs, il suffisait d’accrocher un gros chou dans l’âtre pour se prémunir des fièvres à condition toutefois pour que le « remède » fonctionne que le chou ait été volé de nuit dans le jardin du voisin. En Italie on dit même que pour rêver durant son sommeil, il faut, le soir avant de se coucher, manger du chou. Et quels rêves…

 

Le céleri-rave

 

 

Dédié à la lune par les Grecs, à Pluton pour les Romains, le céleri-rave a toujours passionné les hommes. Symbole de mort pour les Anciens, calmant pour les nerfs, il est vite devenu un aphrodisiaque prisé et, au 17e siècle, aucune maîtresse de maison ne se serait avisée d’en proposer à ses invités. Il y a peu encore, dans les campagnes, on glissait sous le lit des jeunes mariés quelques feuilles et racines du légume pour rendre « la couche féconde » Un dicton illustre ce pouvoir : «  Si femmes savaient ce que céleri fait aux hommes, elles iraient en chercher jusqu’à Rome. »

 

La rose

 

 

Consacrée à Vénus et à Bacchus, la rose a de tout temps connu les honneurs. Cléopâtre fut reçue par Marc-Antoine sur un chemin de roses épais de 50 cm. Childebert 1er en ordonna la plantation dans son jardin. Charlemagne l’imposa  dans ses châteaux. Dans les tombeaux égyptiens, on a même retrouvé au 19e siècle une rose séchée appelée rose des tombeaux. Quant aux grecs, ils attribuent à la fleur le don de savoir garder un secret. Histoire de ne pas découvrir le pot aux roses.

 

La laitue

 

 

 

Il y a des rêves tellement incongrus que l’on peut voir des laitues en songe ! C’est du moins ce qu’explique un dictionnaire des rêves qui précise que rêver de laitue porte malheur. On dit aussi que la tisane de laitue a des vertus calmantes et même soporifiques. C’est sans doute pour cette raison que dans l’Antiquité, des repas se terminant très tard étaient suivis de grande consommation de laitue…en souvenir, paraît-il de la mort d’Adonis.

Il est vrai qu’encore aujourd’hui, dans certaines régions tourner ou brasser la salade se dit « la fatiguer » et si une jeune fille fait tomber une feuille de laitue d’un saladier trop petit on dit qu’elle n’est pas bonne à marier. Il lui faudra encore attendre au moins un an pour qu’elle trouve un époux.

 

Le groseillier

 

 

Serait-il l’arbuste de la jalousie ? On pourrait le croire car dans le sud de la France on assure qu’une jeune fille qui aime à la folie les groseilles deviendra une épouse jalouse. Heureusement le groseillier a d’autres vertus. Il est aussi médecin. Il est d’usage de suspendre un bouquet de rameaux au-dessus de la chambre d’un malade atteint d’une maladie de peau pour qu’il guérisse…

 

Le tournesol

 

 

 

Arrivé dans nos jardins durant le règne de Louis XIV, le tournesol a fait l’admiration de tous et en particulier du roi qui en fit son emblème personnel pour devenir le roi soleil. Cette fleur champêtre par excellence a toujours fait l’admiration des Grands de ce monde. En Bourgogne, la jeune fille qui cultive un tournesol en pot sur sa fenêtre est sûre de sa beauté car tous les regards se tournent vers elle…Mais il arrive aussi qu’on aille de nuit disperser des graines de tournesol sur le bord d’une fenêtre de la jeune fille pour signifier à tous qu’elle ne sait pas tenir sa langue et qu’elle bavarde comme un perroquet.

 

 

Une partie de la récolte de l'an passé

 

 

Je termine ce billet avec la pomme de terre qui si elle est associée au nom de Parmentier, c’est que celui-ci sut la rendre précieuse pour tout le monde en la cultivant dans un champ dans la plaine des Sablons près de Paris, gardé par des soldats armés. Venue du Pérou, cette délicieuse solanacée était au départ cultivée pour nourrir les cochons. Cela n’a pas empêché la tradition populaire de lui attribuer des vertus aussi bien magiques que médicinales. En porter sur soi protège des rhumatismes ; coupée en deux, elle guérit les verrues et si vous êtes victimes d’un orgelet il ne faut pas hésiter à aller la jeter dans le puits du voisin. C’est lui qui écopera du mal. Encore faut-il qu’il ait un puits !

 

choux, poireaux, carottes

 

« Le jardin lie les yeux et l’esprit à la terre. » 

Colette

 

 

Bonne semaine !

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #Potager de Saint Jean

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