ARANEUS DIADEMATUS

Publié le 11 Novembre 2020

 

 

Au potager de Saint Jean, comme vous le savez, ses habitants, légumes, aromates, animaux, grands ou petits ont pris l’habitude et le plaisir de venir nous conter leurs histoires.

Malgré un aspect idyllique, le jardin est une jungle où, dans le sol comme sur les feuillages se livre une bataille farouche entre pucerons et coccinelles, chenilles et mésanges, taupes et larves d’insectes, hérissons et limaces… Le jardinier doit rester vigilant et surveiller ce petit monde. Ici, on cultive au naturel, pas d’armes à destruction massive pour lutter contre celles et ceux qui veulent contrarier la bonne marche des choses mais purin d’ortie ou de rhubarbe, cendre, savon noir, un peu de cuivre ou de soufre et pour les courtilières, des pièges sous forme de boîtes de conserve enterrées au ras du sol. Au potager, les insectes ont leur hôtel, les fleurs mellifères attirent abeilles et bourdons, les oiseaux possèdent nichoirs et mangeoires. Les taupes ont le droit de creuser leurs galeries.

Ici comme ailleurs, certaines de ces petites bêtes, pourtant fort utiles, ont plus tendance à nous effrayer qu’à générer tendresse et protection.

C’est le cas des araignées.

 

 

 

Athéna brisant le tissage d'Arachné

 

 

La naissance d’Araneus

 

La mythologie grecque raconte l’histoire d’Arachné, une mortelle, modeste fille de teinturier qui tenta de défier Athéna, la déesse des arts, au titre de la meilleure tisseuse.

Arachné avait un don incomparable dans l’art du tissage. Elle avait tant d’habileté, tant de finesse que ses créations étaient de pures merveilles. Irritée, la belle Athéna pensant être la meilleure tisseuse ne tarda pas à faire son apparition devant Arachné afin de la mettre au défi.

Un concours s’organisa entre les deux femmes. La nouvelle fit grand bruit et de tous les villages on accourut pour voir le spectacle. Chacune de leur côté, elles commencèrent à tisser. Athéna utilisa des fils d’or et de pourpre. Sa toile était une merveille. Pour elle, la victoire était évidente. A côté, Arachné fit un travail remarquable à l’image de son orgueil et de son insolence à l’égard des Dieux. Elle représenta Zeus, le dieu des dieux, sous la forme de plusieurs animaux pour séduire ses nombreuses amantes. La toile était tellement belle que tous les regards se portaient sur elle. A l’évidence, Arachné, cette mortelle, était la plus grande tisseuse.

Athéna, folle de rage, déchira la toile en mille lambeaux et frappa de son épée Arachné devant toute la population. Humiliée, la jeune mortelle s’enferma dans sa chambre, tomba en dépression avant de se pendre. Quant Athéna vit le corps suspendu et inanimé de sa rivale, elle se sentit coupable et fut prise de pitié. La touchant de son épée, elle lui redonna la vie mais lui dit : « désormais tu vivras mais resteras suspendue, misérable ! Si tu prétends être si douée pour le tissage, alors tu tisseras toute ta vie ! » Puis elle transforma Arachné en « Araneus » … notre araignée actuelle.

C’est ainsi que la jeune tisseuse devint la mère de toutes les araignées qui tissent leurs toiles dans les maisons, les champs, les bois et les jardins.

 

 

 

 

Epeire Porte-Diadème

 

Ici, le potager est peuplé de bon nombre d’araignées. A vrai dire je n’y prêtais pas trop d’attention. Il y a quelques jours, j’ai découvert l’une d’entre elles, Reine du jardin jusque dans son nom «l’Epeire Porte-Diadème » (Araneus Diadematus) en référence à la croix blanche qu’elle porte sur son dos.

Cette appellation trouve son origine dans une célèbre légende chrétienne rattachée à la passion du Christ.

« En ce temps-là, Jésus Christ, agonisant sur la croix était tourmenté par des mouches qui se régalaient de son sang. Araneus en eut pitié.

Elle grimpa vers son visage et tissa une toile autour de la tête du crucifié. Sa tâche protectrice accomplie, satisfaite d’avoir soulagé le condamné, Araneus descendit et rampa sur le sol. A cet instant, l’ombre de la croix se projeta pile sur son dos. Arrivée sur sa propre toile Araneus s’aperçut que la croix sur son dos n’avait pas disparu.

Depuis, on raconte que la reconnaissance de Dieu pour la compassion d’Araneus a été transmise à tous ses descendants qui portent encore ce beau décor en forme de croix, situé au point le plus haut tel un diadème enserrant le sommet d’une tête couronnée. »

 

 

 

 

Cette impressionnante travailleuse à 8 pattes velues que l’on nomme aussi « araignée porte-croix » ou « araignée des jardins », créatrice de fines dentelles naturelles peut tisser l’équivalent de 20 m de toile en une heure.

Méticuleuse et très régulière, son travail peut atteindre 40 cm à 1 m de diamètre qui compte une trentaine de rayons. Excellente chasseuse, elle est une alliée de poids au potager. La glue qui enduit certains fils de la toile lui permet d’attraper pucerons, papillons, moucherons et grosses guêpes. Contrairement à ses cousines, on la retrouve au centre de la toile la tête vers le bas. Elle n’a pas de loge et ne répare jamais sa toile. Si celle-ci est endommagée, elle la reconstruit entièrement même plusieurs fois par jour, si nécessaire, et elle fait des économies en recyclant la soie de son ancienne toile en la consommant.

C’est cette rapidité à retisser sa toile qui a, sans doute, sauvé la vie, en 1791, de ce prêtre réfractaire traqué par les bleus (les républicains) qui s’était réfugié dans un gros chêne creux. Quand ses poursuivants passèrent devant l’arbre, une araignée avait tissé sa toile en moins de deux heures masquant l’entrée de la cachette. Les soldats abandonnèrent alors les recherches.

 

 

Une autre des fiertés de notre Reine du jardin réside dans ses petits, tout de jaune vêtu et portant un triangle noir sur le dos. Ils  émergent en mai de l’année suivante après avoir passé  tout l’hiver bien au chaud dans un cocon douillet avant de s’envoler individuellement au bout d’un long fil de soie. Ce ballet aérien est surnommé le phénomène des « fils de la vierge » ou « fils de Notre Dame » que l’on observe que par temps doux, clair et calme, indice de beau temps car elle est capable de prédire le temps qu’il fera.

 

« Araignée du matin, chagrin,

Araignée du midi, souci,

Araignée du soir, espoir. »

 

Chacun connaît ce proverbe. Avant le mauvais temps Araneus reste à l’abri. C’est pour cela que les paresseuses sont censées annoncer une averse. A contrario, si pendant l’intempérie elles se remettent fébrilement au travail, le soleil ne tardera pas à faire sa réapparition. Un peu partout en France, on disait autrefois que « les araignées délaissaient les cours sombres avant l’arrivée du soleil ».

 

Dans cette « jungle » potagère, Araneus fait partie de la biodiversité. redoutable carnassière, elle joue un rôle essentiel au jardin mais, à son tour, elle peut devenir friandise pour les oiseaux.

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #Potager de Saint Jean

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S
Merci pour ce bel article sur ces merveilles que sont les araignées des jardins, en particulier les Epeire, mais les énormes toutes noires que l'on trouve à l'automne dans les maisons et qui mordent, je les déteste !
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J
merci encore pour ce témoignage sur les petites choses qu’il nous entourent et pour lesquelles nous avons bien peu d’attention. Merveilleuse leçon de choses <br /> à bientôt jean pierre
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Y
bonjour jeune homme<br /> merci pour ton commentaire<br /> j'espère a bientôt <br /> Amitiés <br /> yves