PETIT TOUR EN SARTHE

Publié le 7 Avril 2024

Aquarelle et pastel Yves de Saint Jean

 

 

 

On a trop souvent répété que le département de la Sarthe était un « carrefour » et un « lieu de passage », petit pion que beaucoup n'arrivent jamais à placer dans leur puzzle de la carte de France. Le français n'a jamais été bon en géographie et cela risque, malheureusement, de ne pas s'arranger.

Le voyageur l'a souvent traversé pour aller au-delà vers l'Anjou, la Vendée, la Bretagne sud et nord ou pour gagner certains coins de Normandie.

Arrivé au but, on lui parle du Maine, de la Sarthe : le Maine, la Sarthe ? Connais pas !

Et voilà !

 

Pourtant, il l'a traversé à toute vapeur sans prendre garde à ce qui existait et se passait au-delà des coteaux, vallons, paysages et horizons.

Alors pour le voyageur, l'amoureux de la nature, le curieux d'antiquités, l'amateur d'histoire, de traditions populaires, de coutumes, pour l'érudit à la recherche de savants, d'écrivains, de politiques du temps passé, pour l'artiste, le poète, tout simplement, il est nécessaire de quitter les grandes routes pour suivre vallées et vallons, courir de plateaux en crêtes et révéler des richesses à tous les sens étonnés et ce billet n'a que la modeste ambition de remettre « l'église au centre du village » et prouver que la Sarthe n'est pas seulement le pays de la course la plus célèbre du monde et celui des rillettes.

 

 

Aquarelle Yves de Saint Jean

 

 

Au centre, en quelque sorte, de ce qui était un immense pays de bocage qui s'étend de la Seine à l'estuaire de la Loire, le Haut et Bas-Maine, aux confins géologiques du Bassin Parisien et à ceux du Massif Armoricain, le Maine est un pays de transitions, un pays de Marches : la Normandie au nord, la Touraine et l'Anjou au sud, le Perche qui est encore un peu la Normandie à l'est avec le Vendômois, et la Bretagne à l'ouest.

Cette terre participe à toutes ces provinces voisines ; elle en a subi aussi les invasions et les guerres.

Cette Sarthe du Maine, avec ses petites régions, est si complexe qu'il est parfois bien impossible de le décrire mais quel véritable charme dans chacun de ses « petits pays » aux caractéristiques propres.

 

Les collines pittoresques des Coëvrons dont le nom d'origine celte signifie « collines boisées » correspond au territoire du « Maine Noir », pays de schistes, grès sombres et granit.

La partie extrême au nord-nord-ouest du département, au caractère alpestre étonnant a reçu, il y a des années, le nom aujourd'hui bien connu d'«Alpes Mancelles ». Elle est constituée par une série de collines gréseuses et une gorge profonde qui prend naissance et se déploie à Saint-Léonard-des-Bois pour finir dans les défilés de verdure de Saint-Céneri et dont la porte d'entrée est la vieille forteresse de Fresnay-sur-Sarthe. Toute cette région présente un paysage de bocage préservé, ponctué de sites défensifs médiévaux comme Sainte-Suzanne et Sillé-le-Guillaume. Les crêtes sont couvertes de grandes forêts, Sillé, La Charnie, Perseigne.

 

 

Les Alpes Mancelles

 

 

Nous sommes sur les territoires du Saônois et de sa capitale Mamers, du riche Marollais, du pays de Vair, d'une large bordure du Perche avec ses collines et vallons fleuris et du Fertois où l'église Notre-Dame-des-Marais est une vraie cathédrale en miniature posée au centre de la petite cité du Moyenâgeuse de la Ferté-Bernard qui a conservé ses maisons à pans de bois, juchée sur cents canaux, filets des eaux de l'Huisne et de la Même qui lui ont valu le surnom de « Venise de l'Ouest ».

Au sud du Fertois on débarque au milieu des collines vertes dans le Perche-Gouet et Montmirail - Mons Mirabilis -, d'où la vue s'étend sur trois départements, avec ses prairies

aux fameux et inégalables chevaux percherons, ses bois, ses forêts de Vibraye, de Montmirail, ses villages, petites églises et châteaux pleins de charme pittoresque.

Au sud-est, c'est la large vallée de la Braye, avec le château de Courtanvaux ; c'est le Bas- Vendômois, mais encore de l'ancien diocèse du Mans, avec les souvenirs du prince des poètes, Ronsard et ses amis de la Pléiade, l'Ile-Verte, Couture, la Possonnière, Artins, Montoire, Saint-Jacques-des-Guérets, Lavardin, Trôo...

 

 

Le Loir

 

 

 

Maine-Blanc et Maine-Angevin

 

 

Mais nous voici dans l'adorable vallée du Loir nouveau sillon d'est en ouest qui fait de ce pays des Vaux-du-Loir, entre Couture, Poncé, La Chartre et Château-du-Loir un terroir du bien vivre !

Nous sommes sur le domaine du « Maine Blanc » aux côtes relevées de tuffeau, creusées d'innombrables abris troglodytiques où logent parfois les gens mais où vieillissent surtout les vins les plus fameux que donnent les vignes qui alignent leurs ceps de Chenin du célèbre Jasnières et du Pineau d'Aunis au goût poivré sur les coteaux de Lhomme, Ruillé, Chahaignes, Marçon ou Vouvray-sur-Loir. Non loin, la grande forêt de Bercé, mythique forêt des Carnutes tant redoutée des légions romaines, aligne ses chênes sessiles* centenaires dans sa partie la plus ancienne de la « futaie des Clos » qui date de 1647 dont certains ont été baptisés de noms familiers. Le chêne Muriel rend ainsi hommage à un courageux agent forestier engagé dans la Résistance et mort en déportation en 1944. Il arrive qu'une simple souche garde le souvenir d'un géant remarquable comme le chêne Boppe, foudroyé en 1934. Depuis, les chênes Roulleau de la Roussière, Potel et Lorne du nom des inspecteurs des Eaux et Forêts qui ont veillé sur eux ont pris le relais.

 

 

 

futaie des Clos à Bercé

 

 

Puis le Loir avec Chenu ou Vaas, entre dans la partie historique du Maine-Angevin pays Plantagenêt. A cinq lieues vers l'ouest, la rivière arrose le décor magnifique du château du Lude avec ses terrasses, ses pelouses, ses jardins. Ici, la région aligne ses souvenirs historiques. Dugesclin est venu y rosser l'anglais à la bataille de Pontvallain, Aubigné a vu la naissance du poète Racan. Un peu plus au nord entre Oizé et Cérans où naquirent le naturaliste Pierre Belon et le père Mersenne, on découvre le Bélinois, petite région bien caractérisée, côtoyée par l'ancienne forêt du Mans, où dans une lande surchauffée le 5 août 1392, le roi Charles VI est devenu tristement dément.

A la Flèche, l'institution éducative fondée en 1604 par le roi Henri IV, devient sous Napoléon 1er le Prytanée national militaire. C'est le pays de Léo Delibes, compositeur et auteur de Lakmé et Coppélia, de Marie Pape-Carpentier, créatrice des premières écoles maternelles, de Liane de Pougy, danseuse et courtisane de la Belle Epoque, de Paul d'Estournelles de Constant, prix Nobel de la paix en 1909, de Jacques Bouillault, fondateur du célèbre parc zoologique et tant d'autres...

 

 

Abbaye de Solesmes

 

 

 

Chant grégorien et carrières de marbre

 

 

En quittant la vallée du Loir, on gagne Malicorne au joli château, demeure jadis de la famille Beaumanoir-Lavardin où furent notamment reçus Scarron et la Marquise de Sévigné. Cette grosse bourgade est la patrie des faïenciers depuis 1750, voisine de Ligron aux poteries nues, puis vernissées, célèbres depuis le 13e siècle jusqu'à leur fermeture en 1905 et qui s'exportaient dans tout l'Occident.

A quelques kilomètres de la coquette ville de Sablé marquée par les souvenirs de la marquise du même nom et ceux de La Rochefoucauld, se dresse sur les rives de la Sarthe l'imposante abbaye Saint-Pierre de Solesmes occupée par les moines Bénédictins. La présence en ces lieux d'un grand ordre monastique a plus fait pour la gloire de Solesmes que dix mille ans d'histoire. Si le monde entier connaît le nom de cette petite localité, si l'on y vient de tous les points du globe, c'est moins pour le pittoresque du lieu que pour les sobres et splendeurs de la liturgie bénédictine, pour ce plain-chant grégorien rénové par Dom Guéranger et la savante patience des moines.

Non loin de là, un musée retrace l'épopée des carrières de marbre de Juigné et alentours qui ont fourni Versailles, les Trianons et autres châteaux.

 

 

Faïence de Malicorne

 

 

Par la jolie, la délicieuse, l'ensorcelante vallée de la Vègre, avec ses sites, ses moulins ses manoirs comme le délicieux châteaux de Dobert à Avoise habité par la même famille depuis cinq siècles. Un peu plus au nord de Sablé s'étend le domaine de l'ancienne châtellenie* de Champagne-Hommet sur les paroisses de Juigné, Chantenay, Fontenay, une partie de Poillé et Auvers-le-Hamon, une petite région caractérisée et riches d'églises anciennes, de traditions ou légendes populaires. On longe vers l'ouest les bois denses de la Charnie, tous ses pays touchant au Bas-Maine qui donnèrent naissance aux chouanneries qui ensanglantèrent nos villages et campagnes de 1792 à 1832.

Au delà, Sillé-le-Guillaume, son château fortifié, son église, s'abritent des vents du nord par sa forêt...

Et nous voici revenus aux collines des Coëvrons.

 

Mais on ne peut parcourir le département de la Sarthe sans être frappé par le charme, la beauté des sites et l'extrême diversité de tous les pays intermédiaires, de vieux bourgs haut perchés comme Saint-Christophe-du-Jambet, Ballon dominé par le château, son donjon, ses collections botaniques qui leur ont valu les classements en « Monument Historique » et « Jardin Remarquable ».

La Sarthe c'est une suite de manoirs, de petites églises qui ont conservé leurs peintures murales, leurs sculptures en terre cuite provenant d'artistes aujourd'hui oubliés des « Ecoles Mancelles ». Trésors encore si peu révélés.

C'est aussi le département si riche en naissances de personnages célèbres : savants, historiens, religieux, écrivains, financiers, politiques... dont l'énumération nécessiterait bien plus de pages que ce modeste billet.

 

 

Croquis de la maison de la Tourelle - vieux Mans

 

 

 

Le Mans - cité Plantagenêt

 

 

Mais on ne peut se quitter sans évoquer cette cité du Mans.

Vindunum (la colline blanche) était habitée à l'origine par un peuple gaulois, les Cénomans. Elle devient célèbre dès l'époque gallo-romaine puis berceau de la dynastie des Plantagenêt d'Angleterre, se développe au Moyen-Age, à la Renaissance et aux siècles classiques. De ses vingt-trois siècles, elle conserve des témoins splendides : la grande enceinte rose des 3e et 4e siècles, la cathédrale Saint-Julien au choeur merveilleux, l'un des plus grands édifices de l'époque gothique-romane de France, témoignage médiéval du style architectural du gothique angevin, éclairée par des vitraux du 11e au 16e siècle, les maisons à pans de bois, les beaux hôtels, témoins des heures fastes de la Renaissance tels Le Grabatoire, le Vaux, le Clairaulnay, la Maison du Pèlerin, celle à la Tourelle, d'Adam et Eve, de Scarron, de la Reine Bérengère, du Pilier Rouge.... C'est la ville célèbre pour ses Etamines et la fabrication de cire, bougies et chandelles que les artisans manceaux fournissaient au roi et exportaient même à la Compagnie des Indes.

 

 

Rempart gallo-romain du vieux Mans

 

 

 

A quelques kilomètres, l'ancienne abbaye de l'Epau abrita les moines de l'ordre de Cîteaux jusqu'à la Révolution. Fondée en 1229 par la reine Bérengère de Navarre, veuve de Richard Cœur de Lion, roi d'Angleterre, elle est sauvée de la ruine en 1959 par le département qui s'en porte acquéreur.

Patrie des Bollée, pionniers de l'industrie automobile, Le Mans est surtout le siège de la plus grande épreuve internationale connue dans le monde entier pour ses épreuves sur le circuit des « 24 Heures » qui, chaque année au mois de juin, retentit des vrombissements des bolides lancés pendant deux tours de cadran à l'assaut des records de vitesse et d'endurance.

 

 

 

 

Celles et ceux qui vivent en Sarthe savent combien ce département est riche et attachant, combien du nord au sud, ses paysages offrent une diversité qui n'engendre pas la monotonie et retient sous le charme celles et ceux qui les découvrent.

La Sarthe est une terre d'équilibre tant par sa géologie, que par sa végétation, sa position géographique aux marches de l'Ile de France, de la Normandie, de la Bretagne et des provinces de la vallée de la Loire dont les aspects variés se retrouvent en elle.

 

Ce simple billet n'a pas d'autre ambition que de vous faire découvrir l'élégance discrète et la fraîcheur tranquille de nos campagnes.

 

* Chêne Sessile : chêne rouvre (Quercus Petraea)

* Châtellenie : Elle désigne le territoire sur lequel le maître du château exerce ses droits banaux. En son centre se trouve le château qui est le chef-lieu de la châtellenie.

 

 

 

Bonne semaine à tous !!

 

 

 

 

 

 

 

Château du Lude
Croquis le Vieux mans
Le Pilier Rouge dans le vieux Mans
Asnières-sur-Vègre
Vaas sur les rives du Loir
Vieux Mans rue de l'hôtel du Vaux

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #patrimoine

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