LES FEES ET SAINT-ANTOINE

Publié le 14 Avril 2024

 

 

 

Dans les Vaux-du-Loir comme dans beaucoup d'autres lieux, on croyait aux fées. Les lavandières en faisaient leurs sujets de discussion, tout en contestant leur existence, tout ceci n'étant que « fariboles » disaient-elles.

Pourtant certaines confirmaient, du bout des lèvres, les avoir aperçues, vêtues de blanc, vaporeuses, légères et lumineuses.

En réalité, ces dames ont marqué l'imaginaire et encore aujourd'hui de nombreuses résidences - grottes, dolmens ou châteaux - sont imprégnées des traces de leur passage.

Elles se réunissaient pour danser à la lueur pâle de la lune autour de monuments anciens et des menhirs.

 

 

 

 

Il est dit qu'elles avaient du goût pour l'architecture grâce à leur outil de prédilection, le marteau d'or et qu'elles pouvaient bâtir des monuments, des églises, de vieux ponts en un temps record, les pierres venaient toutes seules à leur volonté et elles les portaient sur la tête ou au bout des doigts. Elles hantaient les bois et les forêts, les esprits débitaient les chênes et châtaigniers sur leur ordre.

Il y avait des fées méchantes qui effrayaient les enfants et mettaient le feu aux meules de foin. Des revenantes investissaient les granges, des consolatrices faisaient rire des princesses tristes et des coquettes se miraient dans l'eau claire des sources.

 

 

Le mégalithe la "maison aux fées"

 

 

 

Non loin du village de Saint-Antoine-du-Rocher, on peut admirer un magnifique monument du passé encore appelé aujourd'hui « Château, Grotte, Roche ou Maison aux fées ». Ses dimensions impressionnantes, 11,50 m de longueur, 4,50 m de largeur, ses trois tables et ses sept supports permettent de voir un des plus beaux mégalithes de notre région.

Un huitième support sépare le vestibule - ou que l'on suppose comme tel - et la chambre, tandis qu'une pierre isolée est fichée en terre à l'entrée.

Selon Louis Bousrez* (1848-1912), libraire, photographe amateur et membre de la société archéologique de Touraine, ce dolmen incomplet devait « se composer de trois chambres, celle du fond, la plus grande, séparée par la pierre encore en place, d'une autre chambre comprise entre cette pierre et les deux piliers d'entrée, et enfin d'un vestibule plus étroit, ou même une allée plus ou moins longue, dont la pierre-pilier, inexpliquée sans cela, est le seul vestige ».

Des fouilles effectuées en 1910 ont mis au jour des lames de silex et des fragments de poterie de différentes couleurs.

 

Le nom de « Maison aux fées » de ce dolmen indique qu'une légende s'attache à son origine. « Trois Fées » l'auraient bâti en une nuit et y auraient élu domicile et si quelque trublion s'avisait de déplacer les pierres, celles-ci pouvaient reprendre leur place avant l'aube.

 

 

 

 

 

Saint Antoine

 

Après avoir visité ce lieu magique habité par ces trois fées, celles-ci, ayant compris mon intérêt pour l'histoire locale, m'ont conseillé de poursuivre mon chemin vers le village de Saint-Antoine-du-Rocher, à la découverte du personnage venu du fond des âges qui lui donna son nom.

Selon la légende, le saint Antoine de Touraine serait venu en Gaule, vers 543, avec saint Maur qui fonda sur les bords de la Loire, en saumurois, l'ancienne abbaye de Saint-Maur de-Glanfeuil. Disciple de saint Benoît, Maur était à la tête d'une petite troupe qui essaima dans tout le pays.

Antoine fut désigné pour aller à Tours où il fonda la célèbre abbaye de Saint-Julien ; ses reliques y étaient vénérées depuis le haut Moyen Age.

En 1407, lors de la translation des reliques dans de nouvelles châsses*, magnifiquement œuvrées par les orfèvres de la cité, de très grandes fêtes eurent lieu à Saint-Julien, auxquelles participèrent la cour, les dignitaires et les abbés de Marmoutier et de Cormery.

Beaucoup plus tard, on s'interrogea. On voulait savoir pourquoi le saint Antoine de Touraine portait le nom de saint Antoine du Rocher ?

Le premier abbé de Saint-Julien n'aurait été, en fait, dirent les chroniques, qu'un ermite en rupture, réfugié dans une grotte qui surplombait la vallée de la petite rivière, la Choisille.

Avec le temps, cette grotte avait été convertie en étable. Il suffisait de la racheter pour que le pèlerinage puisse reprendre son éclat, le jour de la fête du saint qui avait lieu le 4 mai.

C'est ce qui arriva. En 1842, l'archevêque de Tours, François Nicolas Madeleine Morlot, vint réconcilier la chapelle qui abritait la grotte.

 

 

 

Gisant de l'ermite Antoine visible dans la grotte à l'arrière de l'autel de la chapelle

 

 

Depuis, il est loisible au voyageur de s'arrêter à Saint-Antoine-du-Rocher, de gravir la petite butte et de voir dans la caverne, couché sur sa natte, l'ermite tenant un crucifix, les yeux levés au ciel. C'est une statue en terre cuite d'un disciple moderne de Bernard Palissy, Charles Jean Avisseau (1796-1861) qui a retrouvé les procédés d'émaillerie du maître.

Une source se trouve à proximité de la grotte ; elle a la réputation de guérir les dartreux, incommodé par le « feu de saint Antoine*» qui brûle la peau. Il eut à souffrir, semble-t-il, toute sa vie de douleurs semblables à celles du « Feu Sacré » : sensations de brûlures, privations de sommeil, hallucinations… Or, il sortait toujours vainqueur de ces épreuves envoyées par le Démon. D’où l’invocation de son nom pour obtenir la guérison.

 

L'ermite n'ayant jamais connu les désirs de la chair, à l'encontre de son homonyme, le grand Antoine qui inspira le poème en prose de Gustave Flaubert, l'abord de la source était interdit aux femmes. Défense leur était faite de s'y mirer, de crainte d'en troubler la pureté...

Ainsi le raconte la chronique en vers de Saint-Julien :

 

« Dans le rocher avait été creusée une chapelle

Que l'on voit encore entre ses deux autels.

Le serviteur de Dieu le servait en ce lieu.

De la fontaine qui jaillit aucune femme n'approchait.

L'une d'elle y vint en cachette et mourut. »

 

Tout ceci est du passé. Cette prescription a cessé de jouer et les femmes sont les premières à venir à la fontaine et à pénétrer dans la grotte où l'ermite fut inhumé avant que son corps, découvert par un porcher, ne fût remis aux moines de saint-Julien.

 

 

La source dédiée à Saint Antoine de Touraine à gauche de la chapelle

 

 

« La Fontaine de vie »

 

Le chevet de l'église qui désigne l'extrémité du choeur derrière l'autel est percé d'un grand vitrail datant de la première moitié de 16e siècle représentant la « Fontaine de vie ». La croix est dressée au milieu d'un pressoir où tombe en jets le sang du Christ. Ce sang s'échappe de la cuve par quatre mascarons qui figurent les attributs des quatre évangélistes, l'aigle de saint Jean, la tête d'ange de saint Matthieu, le bœuf de saint Luc et le lion de saint Marc. Les apôtres, Marie et sainte Madeleine contemplent la scène qui trouve un écho particulier dans une région aux célèbres vignobles.

 

Voilà en quelques lignes la découverte de nouveaux petits secrets de notre terroir.

 

 

 

Vitrail la Fontaine de Vie - église de Saint-Antoine-du-Rocher

 

 

 

* Louis Bousrez : « Les monuments mégalithiques de Touraine » - 1894

* Châsses : Coffre précieux où l'on conserve les reliques d'un saint.

 

* Feu de saint Antoine : ce fut ce qu'on a aussi appelé le « Feu sacré », le « mal des ardents » ou la «peste de feu », affection provoquée par la consommation de l'ergotamine du seigle.
Ce n’est qu’au 18 ème et 19 ème siècle que l’on en trouva la cause : il s’agissait d’un empoisonnement provoqué par la consommation de pain de seigle fabriqué avec des céréales ergotées. L’ergot de seigle, est une sorte de champignon minuscule (quelques millimètres de long) qui contient un poison violent : l’ergotine.

 

Sur ce sujet, je vous joins le lien du très bel article d'un ami bloggeur sur cette terrible maladie : http://www.carnetdalineas.com/search/ergot%20du%20seigle/

 

 

 

 

 

Bonne semaine à toutes et tous !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chapelle au fond à gauche la grotte de l'ermite
L'entrée du mégalithe et la taille gigantesque des pierres

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #personnages

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