BALADE GASTRONOMIQUE 4 - LA BELLE ANJOU

Publié le 16 Avril 2023

 

La Chapelle-sur-Loire près de Bourgueil, la Loire entre en Anjou - aquarelle

 

 

Après le pays de Bourgueil et de Chinon, riches de leurs vignobles fameux, la Loire s'épanouit et la voilà en pays d'Anjou, aux falaises calcaires, pays des Plantagenêts qui construisirent les premières levées pour se protéger des furies du fleuve.

Ecrin de lumière et de transparence, la Loire égrène sur ses rives ses bijoux aux blanches façades de tuffeau. C'est toute la douceur du Pays de France : Fontevraud, Montsoreau, Saumur à la fière silhouette, Trèves, Cunault, Saint-Clément, Saint-Mathurin...

Les Ponts-de-Cé annoncent Angers. La Loire est grossie de la Maine qui reçoit les eaux du Loir, de la Sarthe et de la Mayenne. Elle enserre l'île de Béhuard où Louis XI priait Notre-Dame, passe Montjean-sur-Loire puis Saint-Florent-le-Vieil avant qu'elle ne perde sa grâce angevine à Champtoceaux où elle entre en Bretagne.

 

 

Troglo Anjou - aquarelle

 

 

 

* La belle Anjou *

 

 

 

Nulle plume n'était plus qualifiée que celle de Maurice Saillant, angevin de naissance, prince des gastronomes, indûment dit Curnonsky, pour commenter les richesses de la cuisine angevine. En 1937, il écrivait :

 

« ...Mon enfance a été bien nourrie !... d'abord au biberon Robert... puis à la fine et délicate cuisine de mon pays natal, cet aimable Anjou auquel je garde, sur mes vieux jours, une dilection particulière et où je voudrais bien mourir pourvu que Dieu me prête vie.

 

Je fus dès mon plus jeune âge initié à la Gastronomie par les soins de Marie Chevalier, veuve Coutance, native de Saint-Rémy-la-Varenne, qui fut pendant quarante et un an, la cuisinière de « chez nous ».

 

 

Caricature de Curnonsky parue dans Paris Soir le 7 décembre 1927

 

 

 

C'était une de ces « servantes au grand cœur » qui faisait partie de la famille : veuve de bonne heure et sans enfant, elle m'aimait comme son fils et m'a toujours tutoyé. Elle n'a jamais eu d'autre maison que la nôtre. Quand je vins à Paris après mon second bachot pour préparer ma licence ès lettres, elle fit le sacrifice de nous y suivre, ma grand mère et moi, et c'est moi qui lui fermai les yeux, voilà quelque quarante ans.

 

Je garde d'elle le souvenir d'une grande paysanne française et d'un des parfaits cordons bleus que j'ai connus : elle n'avait point appris la cuisine dans les écoles ni des livres. Elle la savait de naissance et par atavisme ; elle la faisait comme sa mère, comme sa grand-mère, sa bisaïeule et sa trisaïeule, comme vingt générations de bonnes gardiennes du foyer ; elle y apportait les qualités de sa province et de sa race : la mesure, le goût, la probité, la patience et la simplicité.

 

… Car la cuisine de « cheux nous » reflète la pureté de notre ciel, la beauté tranquille de nos horizons, la calme douceur de la Loire - et aussi la gentillesse des Angevins et leur narquoise bonhomie.

 

Notre pays sans excès et qui se méfie de l'éloquence a créé une cuisine sans complications, sans violences, sans nul souci d'étonner, une cuisine simple, nette, droite en goût et qui ne vise jamais à l'effet.

Elle a pour élément le délicieux beurre du pays, les vins qui donnent aux sauces leur grâce et leur finesse, les belles volailles bien nourries, les légumes frais et succulents.

Notre cuisine d'Anjou n'offre point sans doute la richesse bourguignonne, la science raffinée de la cuisine bressane, ni la splendeur de la cuisine périgourdine ; on n'y trouve ni les farces, ni les coulis, ni les épices, ni les salpicons, ni les sauces compliquées : elle est raisonnable, sincère...et si l'on peut dire « bonne enfant ».

C'est essentiellement une cuisine paisible et mijotée, une cuisine de cordons bleus.

Mais cela ne veut point dire qu'elle soit neutre, ni plate, ni sans malice ! La salade qui en Anjou couvre tout de son manteau champêtre et qui accompagne le poulet, le cul de veau, le gigot de mouton, le rôti de bœuf, le gibier même et le gruyère, ne manque point d'une certaine espièglerie narquoise...car elle est souvent ointe d'huile de noix. Les plats angevins ont souvent des dessous imprévus et d'aimables surprises. Ainsi le fameux beurre blanc, cette sauce de poisson, si onctueuse et si originale gloire culinaire de la Loire entre Montsoreau et les environs de Nantes, dissimule dans un filet de vinaigre la caustique échalote, à la fois lointaine et discrètement présente.

 

 

La Loire - aquarelle

 

 

La Loire qui traverse toute la province, et ses affluents : la Sarthe, le Loir, la Mayenne, l'Authion, le Layon, le Thouet, offrent toutes les variétés de poissons d'eau douce : l'alose, le saumon, le brochet, l'anguille, la tanche, la brème, la perche, le barbillon, la carpe, le goujon etc. Et la cuisine angevine en a tiré des merveilles puisqu'elle a créé entre autres plats fins et savoureux, le brochet et l'alose au beurre blanc, l'alose à l'oseille, l'alose farcie, l'alose braisée au vin blanc, les laitances d'alose frites, la brème farcie, la bouilleture d'anguilles aux pruneaux (plat tout à fait local qui étonne la première fois certains gourmets, mais auquel on revient toujours quand on y a goûté) la lamproie étuvée, le pâté de lamproie, le pâté d'anguilles, la tanche aux pruneaux, etc...

 

Le bétail et la volaille d'Anjou sont de premier ordre : le « cul de veau » piqué, la rouelle de veau aux carottes, les côtes de veau sautées, le gras double piquerette (au vin d'Anjou), la fricassée de poulet à l'Angevine (au vin blanc, à la crème et aux champignons) peuvent figurer entre vingt autres plats, parmi les belles réussites des cordons bleus angevins.

 

Les fruits du pays ont une célébrité européenne - et telle que l'Angleterre en achète la plus grande part ! Mais il reste heureusement assez de magnifiques cerises (les guignes) pour permettre la fabrication du guignolet, triomphe de la distillerie angevine. Cette liqueur est une spécialité absolument locale, tout comme le Cursky lequel est aussi angevin que son parrain Curnonsky.

Et le joyeux Triple Sec a fait le tour du monde !

 

Les délicieux légumes d'Anjou ont inspiré aux cuisinières la soupe aux champignons, la soupe aux petits pois, les artichauts farcis à l'Angevine, la dârrée de choux verts (piochons), la chouée (choux braisés), les nouzillards (marrons au lait) etc.

 

La charcuterie angevine a créé les fameux rillauds (dés de poitrine de porc rissolés et au four et servis encore tièdes) et les gogues (compromis fort agréable entre le boudin et la fressure) : mais elle soigne aussi à merveille le boudin blanc, l'andouillette, le jambon, le lard, et toutes les savoureuses « cochonnailles » de campagne.

 

Le beurre (un des meilleurs qu'il y ait avec celui des Charentes) et les admirables fruits d'Anjou sont les éléments de la fine et légère pâtisserie locale...dont la gloire est le célèbre pâté de prunes.

Et rien n'égale la mousse parfumée des crémets d'Angers.

 

Décidément, mon cher pays est bien un des petits coins de cette discutable planète où l'on goûte encore le mieux la douceur de vivre. Et c'est pourquoi j'y voudrais mourir... en paix – et en gastronomie, car l'Anjou mérite qu'on l'appelle le paradis des digestions calmes. »

 

 

 

Pays sage de Loire - aquarelle

 

 

 

 

 

* DES IDEES DE RECETTES

DE CATHERINE GILLES *

 

 

 

 

 

 

* SOUPE AUX HERBES PRINTANIERES *

 

 

 

 

 

Hacher 1 petite poignée d’oseille, 1 laitue, 1 poignée de cerfeuil. Les faire revenir 5 mn dans une casserole avec 1 c.s. d’huile d’olive, 1 c.c. de gros sel et une pincée de poivre. Verser 1,5 l d’eau chaude et cuire environ 5 mn. Ajouter 4 c.s. rases de riz et laisser cuire à petit feu 30 mn. Mixer avant de servir.

 

 

 

* ASPERGES EN HABIT DE JAMBON *

 

 

 

 

 

Compter 6 asperges par pers. Cuites dans une marmite d’eau salée. Bien les égoutter. Compter deux tranches de jambon par pers. (120g), enrouler 3 asperges par tranche de jambon. Les disposer dans un plat à four graissé. Déposer sur chaque roulade ½ c.c. de crème fraîche, le tout saupoudré de Parmesan râpé, poivre du moulin, sel (attention le Parmesan est déjà salé ainsi que le jambon) Passer au four jusqu’à ce que le dessus soit doré.

 

 

 

* GRATIN DINER A LA RICHESSE

DU PLACARD *

 

 

 

 

 

 

Pour 4 pers.

Éplucher 4 pommes de terre moyennes, les couper en petits dés. Les précuire 10 mn dans une eau salée pendant 10 mn à partir du bouillonnement. Les égoutter.

Ciseler 350 g de blancs de poireaux, les faire suer dans un filet d'huile d'olive  avec une gousse d'ail, du sel, du poivre. Les étaler dans une tourtière beurrée. 

Couper 100 g de chorizo en minuscules dés, les parsemer sur les poireaux puis les recouvrir des pommes de terre précuites.

Dans un bol mélanger 2 beaux œufs avec 2 c.s. de Maïzena jusqu'à ce que la farine de maïs soit amalgamée. Ajouter 1 bidon de 20 cl de crème Uht entière plus 2 fois son volume de lait, du sel et du poivre du moulin et de la muscade râpée. Verser sur les légumes et enfourner 40 mn à 180°.

Se mange froid ou chaud selon la saison.

 

 

 

* BRANDADE HAUT-ANJOU-SARTHOIS FAÇON CATHERINE *

 

 

 

 

 

 

Cuire 900 g de pommes de terre épluchées avec le blanc d'1 poireau dans une casserole d'eau salée.

Émincer un gros oignon et râper 200 g de carottes.

Faire suer 1 oignon dans un filet d'huile d'olive puis ajouter les carottes, saler, poivrer. Cuire 10 mn.

Hors du feu , ajouter 1 boîte de 140 g de thon égoutté, émietter.

Égoutter les pommes de terre et le blanc de poireau. Les écraser avec 1 gousse d'ail pressée (voire 2 selon les goûts).

Ajouter , l'oignon et les carottes et 2 c.s. de farine et de la muscade râpée.

Façonner des croquettes (12 pour moi avec cette recette), les paner dans 2 c.s. de farine. Les déposer dans une poêle avec un mélange moitie huile d'olive et beurre chaud (ou tout huile). J'ai changé l'huile et le beurre en essuyant ma poêle avec un papier absorbant lors de la cuisson de la seconde fournée pour que les particules de farine cuites de la première cuisson ne s'agglomèrent pas sur les croquettes suivantes.

 

Obs. : ce fut notre plat unique, je n'ai pas mis de Parmesan et c'était très bien, nous avons déjeuné avec 3 croquettes chacun. Avec une soupe et une salade 2 seront suffisantes.

 

 

 

* DOS D’EGLEFIN ET PAILLASSON

DE COURGETTES *

 

 

 

 

 

 

Râper 700 g de courgettes avec leur peau. Les cuire dans une poêle avec 1 c.s. d’huile d’olive, ajouter 3 tomates coupées en lamelles avec 2 gousses d’ail finement ciselées (ou pressées dans un presse-ail manuel), du sel, du poivre. Cuire à la vapeur ou au court-bouillon 4 dos d'églefin de 160 g. Les égoutter et les poser sur les légumes, les saupoudrer de piment d’Espelette et de basilic.

L’églefin apparenté à la famille de la morue, se retrouve selon les régions sous le nom de lieu noir, ânon, et fumé sous le nom de haddock.

 

 

 

* TARTE AUX ÉPINARDS

ET FROMAGE DE BREBIS *

 

 

 

 

 

 

Mettre la pâte brisée maison ou prête à dérouler dans une tourtière, la piquer à la fourchette la cuire à blanc pendant 10 mn à 210°-Th7. Plonger 750 g d’épinards dans une casserole remplie d’eau salée pendant 10 mn ou à défaut prendre des épinards surgelés de qualité. Les égoutter et les presser pour extraire l’excédent d’eau, les faire revenir dans une cocotte avec 1 c.c. d’huile d’olive, 1 gousse d’ail ou 1 échalote, 100 g de crème entière, sel, poivre, noix de muscade, bien mélanger. Verser sur la tarte et recouvrir de rondelles de fromages de brebis. Enfourner 30 mn à 210°-Th7.

 

 

 

* GÂTEAU AU CITRON DE CATHERINE *

 

 

 

 

 

 

Préchauffer le four à 210°-Th 7. Mélanger 250 g de crème fermière, 4 jaunes d’œufs (garder les blancs), 250 g de farine, 200 g de sucre, le zeste d’un citron, 1 pincée de sel. Battre les blancs en neige et les incorporer délicatement. Mettre dans un moule légèrement graissé et cuire 45 mn . Vérifier la cuisson avec la pointe d’un couteau.

Pour mémo : 250 g de crème fermière = 125 g de beurre.

 

 

 

 

* TARTE AUX POMMES RAPÉES *

 

 

 

 

 

 

 

Préparer une pâte brisée (200 g de farine, 150 g de beurre, 1 pincée de sel, ½ verre d'eau).

Cuire à blanc la pâte étalée dans votre tourtière 20 mn à 180° en piquant au préalable le fond avec une fourchette.

Éplucher 800 g de pommes. Les râper avec la grille la plus grosse de votre moulin électrique. Les mélanger avec ½ citron pressé, 2 c.s. de sucre de canne.

Les verser dans la tourtière et parsemer 30 g de beurre en lamelles.

Enfourner 35 mn à 180°. Passer sous le grill quelques minutes si besoin à 190° (surveiller votre four pour ne pas brûler votre tarte).

Se déguste chaude ou froide.

 

 

 

 

 

 

 

 

Très bonne semaine à toutes et tous !

 

 

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #gastronomie

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A
Magnifique et trop cruel virtuellement ... Je transmets à ma sorcière qui prépare sa traditionnelle balade cueillette de plantes sauvages - cuisine à suivre....Qui a dit que le paradis n'est pas de ce monde ?
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