QUI S'Y FROTTE S'Y PIQUE 

Publié le 24 Avril 2022

 

Mon hérisson à la porte

 

 

Une petite boule de poils durs et piquants à frappé à la porte hier soir.

Il souhaitait me dire qu'il venait de sortir de son hibernation et que désormais pour la saison, avec l'arrivée des beaux jours printaniers, il était d'accord pour participer à mes côtés à la chasse aux limaces et autres petits prédateurs du potager car cet « Erinacéidé » est l'un des animaux sauvages du jardin le plus précieux pour le jardinier.

 

Qui connait vraiment le hérisson, ce petit animal étrange, venu du fond des âges ?

 

Les ancêtres de notre hérisson seraient apparus il y a environ 60 millions d'années, à la fin du crétacé et sous une forme proche de celle que nous connaissons depuis quelque 15 millions d'années. Son physique tout comme ses caractéristiques n'auraient que peu évolué depuis ces temps lointains, développant simplement des particularités spécifiques pour s'adapter aux différents climats. Ainsi les hérissons du désert ont les oreilles plus longues que celles des européens pour assurer un rôle de thermorégulation. Chez nous, ils hibernent pour se protéger du froid et de l'humidité.

 

 

Mon hérisson aquarellé

 

 

 

Une vie de famille qui dure deux mois

 

A la sortie de l'hibernation dès les premiers beaux jours en mars, avril débute la période de rut qui peut aller jusqu'en septembre. Animal solitaire, le mâle et la femelle vont se rencontrer uniquement pour s'accoupler dans des ébats souvent mouvementés et bruyants.

 

Madame hérisson ne rechigne pas à la besogne. Aux tâches du jardin qui l'occupe tout l'été, s'ajoutent les devoirs familiaux. Seule depuis la nuit de noce, le père s'est enfui, une fois son affaire terminée.

Dès que la marmaille est en route, elle s'affaire pendant cinq à six semaines à aménager un terrier et créer un nid douillet fait de feuilles.

Quand arrive la naissance, en juin ou bien en août (pour la seconde portée) notre hérissonne couchée sur le côté met au monde quatre à sept minuscules bébés qui attendent, empruntés, la tétée qui revigore.

Elles les prend un par un et les pose sur son ventre. Pendant quarante jours, ils vont se régaler du lait maternel, la durée nécessaire pour transformer ces poids plume de 15 grammes en petites boules dodues et pleines de piquants.

 

 

bébé hérisson

 

 

Par bonheur pour la maman qui a droit à l'accouchement sans douleur, les bébés sont nus comme des vers quand ils viennent au monde.

Les premiers piquants, une centaine, apparaissent trente six heures plus tard tout mous et tout blancs. Rien à voir avec l'armure dont ils sont pourvus à l'âge de deux mois faite de plus de 5000 poils bicolores entrecroisés et pointus très durs, mesurant environ 2,5 cm.

 

 

Laisse-moi tranquille

 

 

Des piquants pour se défendre

 

 

A quatorze jours, les bambins ouvrent les yeux. A trois semaines, ils se hasardent hors du nid, tout petits encore sur leurs courtes pattes, la tête pointue achevée comme un groin. Encore trop fragiles, mieux vaut attendre la sortie collective à la queue leu leu quand la mère décide que les jeunes sont capables de chasser. Tout juste équipés de leurs 36 dents pointues, ils vont commencer à prendre goût aux insectes, vers de terre et à briser la coquille des escargots.

La croissance est rapide. Les petits ne sont plus les mêmes à la fin de l'été. Ils n'attendent pas d'avoir deux mois pour « faire le mur », âge auquel la mère décide de les chasser du cocon familial.

Le jardin devient alors leur royaume. A chaque virée nocturne, le hérisson peut parcourir plus de 3 km, passant d'un jardin à l'autre. Bon grimpeur, il escalade les murets à l'aide de ses griffes acérées. En cas de chute les piquants constituent un excellent matelas.
Vive la nuit du hérisson !

 

Côté bonnes manières, on repassera ! Catalogué d'avare et de gourmand, le hérisson n'est pas du genre à cultiver la discrétion. Il souffle fort en marchant, fait un bruit infernal en mangeant, n'hésitant pas à cracher sur son voisin. Mais comment se priver de manger quand on a une faim de loup ?

C'est un principe dans la famille hérisson car il faut être rond comme une boule à la fin de l'été. Pour bien passer l'hiver, isolé au fond du jardin dans son petit nid de feuilles

Mais ce n'est pas un méchant. Ami des jardiniers pour son travail d'insectivore, le hérisson a la cote, tant auprès des enfants que des adultes. Son comportement est attachant. Fidèle à son territoire dans le jardin, il se laisse prendre facilement dans les mains (gantées) sans montrer la moindre agressivité.

 

Bénéficiant d'un statut de protection total, notre hérisson est tranquille comme Baptiste, seuls quelques prédateurs ne l'entendent pas de cette oreille. Par chance, il dispose d'une parade très efficace contre les renards et autres chiens errants, celui de prendre l'apparence d'une châtaigne armée de ses piquants, procédé infaillible pour mettre en boule les adversaires.

 

Hélas ! Il y a une chose que l'on n'apprend pas à l'école des hérissons : se méfier des voitures lorsque l'on traverse la route. Une véritable hécatombe. On estime de 700 000 à 1 million de ces précieux petits mammifères écrasés chaque année. Selon plusieurs études, après 60 millions d'années d'existence, les hérissons sont menacés d'extinction. Deux tiers d'entre eux ont disparu en 20 ans et d'ici 2050 l'espèce pourrait être rayée de l'hexagone. Gare également aux tue-limaces, insecticides et pesticides. Ses capacités d'adaptation et de défense lui ayant permis de traverser tous les âges avec une étonnante vitalité, le hérisson n'a pas su se protéger de la civilisation moderne et de ses automobiles.

 

 

 

 

 

Une espèce « parapluie »

 

 

Dans les dictons populaires qui sont encore d'actualité dans les campagnes, si le hérisson sortait définitivement de son hibernation, cela signifiait que le printemps s'était installé. S'il retournait dans son nid, cela voulait dire que l'hiver allait durer encore six semaines. Cette indication météorologique du retour des températures clémentes propices à la germination permettait d'anticiper les récoltes, terminer plus rapidement le blé de l'année passée, et faire plus de pain à distribuer au moment où la nature n'offre plus rien à manger.

Depuis toujours, les anciens savaient ce que les scientifiques ont récemment découvert : le hérisson est une espèce parapluie, protectrice de la biodiversité, garant de la bonne santé des sols.

 

Le hérisson symbole de prudence, Aristote a fait du petit animal piquant la figure de l'homme prévoyant qui ferme les portes de son âme aux mauvais vents ; car, dit le vieux naturaliste grec : « le hérisson fait à son habitation deux issues, l'une au nord, l'autre au sud, et ferme alternativement la première au vent glacé, et la seconde au vent chaud... »

 

Dans l'Egypte antique, on croyait que le hérisson protégeait les morts et de nombreuses représentations du petit animal ont été trouvées dans plusieurs tombes.

A Babylone, il est un des attributs d'Ishtar, déesse complexe de l'amour et de la guerre. Dans de nombreux mythes d'Asie et d'Afrique il est décrit comme pionnier, initiateur de civilisation. Dans les légendes perses, la nature solaire de ses piquants lui a valu d'être considéré comme le symbole de la maîtrise du feu. Dans les cultures antiques du Moyen-Orient, le hérisson était symbole de source de lumière et de vie.

 

 

Mon hérisson dans le jardin

 

 

Dans toutes les cultures, le début du mois de février est le moment où la vie reprend et se renouvelle. Dans l'antiquité romaine, la Chandeleur fêtée le 2 février était la fête des chandelles. On organisait des marches nocturnes aux flambeaux dédiées à la nature, pour implorer le retour de la lumière au milieu de l'hiver et invoquer la déesse des moissons.

On essayait alors d'apercevoir des hérissons. S'ils étaient sortis, cela voulait dire que le printemps était installé.

Ainsi en Irlande et Amérique du nord, le 2 février est le jour de la marmotte, groundhog, mais c'est bien le hérisson, hedgehog, qui en est à l'origine.

 

Au Moyen Age, la réputation du hérisson change selon les pays et même d'une région à une autre. Son stratagème consistant à se rouler par terre pour piquer des pommes et des raisins sur ses épines le fait passer pour pingre et avare aux yeux de certaines populations. L'Eglise va même jusqu'à dire qu'il est le démon qui saccage les vignes du Seigneur. Les auteurs médiévaux font du petit animal la figure allégorique de Satan. La tradition paysanne l'accuse de voler le lait, de téter les vaches la nuit, et sa présence dans les potagers est censée porter malheur. Il désigne alors une personne au caractère revêche et difficile.

Fort heureusement, les choses ont évolué et depuis lors notre hérisson est mieux considéré, présent dans la culture, le folklore et les croyances populaires.

On retrouve ainsi de nombreux noms de communes, lieux-dits, cours d'eau dérivés du nom de hérisson. En héraldique, il est souvent pris pour emblème sur des blasons.

 

 

Article paru dans la revue La Hulotte N°77 - p 49 -1999

 

 

En breton, il se prononce Heureuchin, dans l'est Eurson, Erissoun dans le midi, les dialectes et patois locaux l'ont baptisé de mille noms à l'accent coloré. Les anglais l'ont appelé « Hedgehog », ce qui signifie « cochon de haie » mais en anglais ancien, un « Urchin » est resté dans le langage populaire. Il désigne alors un gosse des rues qui dort de droite et de gauche, sans domicile fixe, comme un hérisson. Il a aussi une démarche nonchalante, furetant partout le nez planté dans le ciel, mal fagoté et mal coiffé, avec les cheveux en bataille, hirsute comme un hérisson.

 

Pour les couturières, un hérisson est un pique-aiguilles, morceau de tissu rembourré qui sert à regrouper les aiguilles pour ne pas les perdre. En métal c'est un accessoire pour égoutter les bouteilles, ou encore un long balai brosse utilisé par les ramoneurs pour nettoyer les cheminées.

Pendant la seconde guerre mondiale, « Hérisson » fut le nom de code de Marie-Madeleine Fourcade, grande résistante.

 

 

« Ça n'existe pas, les fées, bougonne le hérisson.

C'est bon pour les enfants, ces histoires !

Ce qui est bon pour les enfants, l'est aussi pour nous. »

 

Philippe Chatel - Le roman d'Emilie Jolie

 

 

 

Il est le héros de nombreux albums pour la jeunesse, de bandes dessinées, de films et séries d'animations, de jeux vidéo, de chansons dont la « Chanson du Hérisson » interprétée par Georges Brassens dans « Emilie Jolie », un conte musical de Philippe Chatel.

 

 

 

En philatélie un timbre français de 2001 est sorti le 19 juin représentant un hérisson tapi derrière une pierre dans la série nature environnement. En 2007 un autre timbre est émis le 26 novembre montrant un hérisson portant un bonnet d'hiver qui souhaite « meilleurs vœux ».

Chaque année, le prix du « Hérisson de Cristal » est décerné par l'association « France Nature Environnement » pour mettre en valeur des personnalités ou des initiatives favorables à l'environnement. Son logo est un hérisson.

 

 

 

 

Une espèce sentinelle

 

Le hérisson est une sentinelle dont la sensibilité sert d'indicateur sur les changements d'un écosystème. Il est un parfait indicateur de la santé de nos haies et nos jardins.

Malheureusement on est en droit de s'alarmer sur le fait que l'on voit de moins en moins de hérissons dans les campagnes. Urbanisation, pesticides, herbicides, circulation, le hérisson se meurt car nous n'avons pas conscience de ce que nous lui faisons subir.

Très silencieusement, un monde inoffensif se fait maltraiter et agresser, et, du fait qu'il ne se voit presque pas, on n'en parle guère.

Sans action rapide, il se pourrait que d'ici quelques décennies il ne soit plus qu'un souvenir pour les générations à venir.

 

Certains soirs, quand je vais fermer le poulailler, je croise ma petit boule piquante. Son nid ne doit pas être loin. Je le salue. Il souffle et ronchonne en partant pour sa nuit du hérisson dans le potager.

 

 

Qui sauve le hérisson, sauve le monde !

(traduction d'un article du journal anglais

« The Big Issue »

 

 

 

A regarder

https://www.facebook.com/ouestfrance/videos/501235271549795

 

 

Bonne semaine !

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #Potager de Saint Jean

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A
Peut être connaissez-vous cette vidéo de Ouest France ? https://www.facebook.com/ouestfrance/videos/501235271549795<br /> Par ailleurs je vous ai mis un commentaire autre sur un message via la fonction contact.<br /> Bien cordialement.
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Y
Je ne connaissais pas merci j'ai mis le lien<br /> par contre je n'ai pas d'autre message<br /> A plus
M
Quel bonheur de vous lire comme toujours….<br /> Passionnant ! J’ai eu le bonheur de recevoir pendant plusieurs années des hérissons dans mon jardin. Et même une maman avec ses petits . Il y en a eu un à qui je grattais le bout du nez et qui ronchonnait de plaisir je le crois. Et d’autres. Plus personne depuis plusieurs années. Heureusement j’ai plein de photos en souvenir. Bien à vous.
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Y
Merci<br /> espérons que la route n'a pas été leur cimetière mais ces petites bêtes ont un grand rayon d'action et ne sortent le plus souvent que la nuit.<br /> Bonne journée <br /> Amitiés <br /> Yves