« PHASEOLUS » LE HARICOT

Publié le 22 Mai 2022

 

 

Mon calendrier lunaire pour jardiner avec la lune me recommandait de semer mes haricots, flageolets et autres mogettes ce jeudi 19 mai, jour de la saint Yves, ce qui avouons-le ne peut-être qu'un bon présage. J'ai respecté et nous verrons bien...

Raison de plus pour s'intéresser à ce légume ancien, sujet parfois à quelques moqueries sonores.

 

Lingot du Nord, Coco de Paimpol, Mogette de Vendée, haricot de Soissons, d'Arpajon, Tarbais, nains, verts, à rames, à écosser… L’origine de ces quelques symboles gastronomiques de nos régions a fait l’objet d’une véritable polémique jusqu’à la fin du XIXème siècle.

En effet, si les pois, fèves et autres lentilles se retrouvent souvent de concert sur les monuments antiques d’Égypte, Grèce ou Pompéi, on ne trouve aucune trace du moindre haricot.

Si la Rome antique connaissait ce « phaseolus » (nom latin du haricot) qui étaient nos communes féverolles, on sait désormais que notre haricot ne vient pas d’Asie mais bien d’Amérique latine.

Né en Équateur, il se serait diversifié au Pérou, Bolivie et au Mexique colonisant depuis plus de 6 000 ans tout le continent américain y compris l’Amérique du Nord bien avant l’arrivée des conquérants européens.

 

 

Le potager de Saint Jean

 

 

Sa culture a eu une importance remarquable dans les civilisations indiennes. Avec la courge et le maïs il a fait partie du trio de base de l’alimentation traditionnelle.

Découvert à Cuba, Christophe Colomb en ramènera dans les coffres de sa caravelle. Cabeca de Veca le trouvera en Floride et Jacques Cartier, en 1535, à l’embouchure du Saint- Laurent. Il était connu dans toute l'Amérique comme l'attestent les grains provenant de sépultures préhistoriques de l'Arizona et de l'Utah.

Aliment concentré en nutriments, facile à transporter, à stocker et à conserver, le haricot sec va très vite être adopté par les grands voyageurs qui en achèteront par tonneaux entiers aux populations amérindiennes avant de le répandre en Europe puis dans les comptoirs d’Afrique et d’Asie.

 

Il va mettre quelque temps à s’imposer sur nos terres d’autant que les fèves et les lentilles, autres légumineuses, existent déjà.

 

 

 

Emmanuel Le Roy Ladurie propose dans son ouvrage « Les paysans du Languedoc » une date d'introduction assez précoce de ce « fagiuolo » que les italiens vont adopter rapidement :

« En 1528, un humaniste italien, Valériano, sème à Bellumo, dans des pots de fleurs, un trésor, importé du Pérou. La plante envahit l'Italie.

En 1594, premier texte connu dans la France du sud, et même dans la France tout court : la nouvelle culture est signalée dans le bas Rhône ; autour de Cavaillon, des bourgeois donnent à bail des terres à semer de « faioulx ». Olivier de Serres, à son tour, s'intéresse aux « phasiols ». Ainsi font les gens de Thuir, les caboteurs du golfe du Lion (1615), les curés et les jardiniers d'Agde ; en 1637, un prêtre de cette ville, François Cormin, grand amateur de rosiers incarnats et de plantes nouvelles, lance la mode des pois blancs ou

« faviols ». Bientôt les bourgeois, les maraîchers agathois imitent son exemple. Après la Fronde, le « faviol » ou « mongette » devient vraiment, dans le midi de la France, un produit de grande consommation. »

 

Le « phaseolus » grec puis latin s'est transformé alors en « fajou » à Nice, « fiajole » à Lyon, « fayoma » dans le Dauphiné, « fazor » à Briançon, « fajoula » dans l'Ain, « fayou » dans les Hautes-Alpes et le Var. C'est le « fayoul » ou « fayol » provençal qui désigne dans la marine le marin de carrière qui devient « fayau » ou « fayot ».

 

 

 

 

Il semblerait que le haricot fut introduit en France par Catherine de Médicis. La future épouse de Henri II aurait amené quelques grains de « fagioli » dans sa corbeille de mariée. Elle les aurait reçus de ce Valériano qui lui même les aurait obtenus du pape Clément VII, lequel les avait lui-même perçus des Indes Occidentales.

 

Mais les orages intestinaux qu’il déchaîne en font un sujet de moqueries et il faudra attendre encore plus d'un siècle et le début du 18ème siècle pour que sa culture se généralise du moins dans la France du Nord. D’ailleurs, aucune des nombreuses recettes écrites sous Louis XIV n’en font état.

 

On trouve en 1750 un descriptif peu aimable du haricot sous la plume d'un certain Geoffry qu'il déconseille aux personnes délicates « parce qu'il sont venteux, qu'ils chargent l'estomac et qu'ils sont difficiles à digérer. »

Brillat-Savarin disait préférer le haricot vert, jeune et tendre qui ne donnait pas d’embonpoint aux « venteux » fayots.

Napoléon en fera ses délices, les dégustant à l’huile.

Longtemps rare et cher et sujet à moqueries suscitées par les orages intestinaux, il faudra attendre le début du 20ème siècle pour qu’il se démocratise.

 

Les haricots se classent en deux catégories : ceux à écosser, dont la gousse renferme une couche parcheminée qui la rend impropre à la consommation, et les haricots verts ou haricots sans parchemin ou mange-tout nés à la fin du 18ème siècle, dont la mode s'est répandue au 19ème siècle. On ne cesse depuis d’en diversifier les variétés et de les améliorer qu'il soient haricots nains ou à rame.

 

 

 

 

 

Hôtel et Haricot de mouton

 

 

Dans son « Petit Castelot Gourmand », André Castelot nous parle du Collège des Haricots qui était le surnom ironique du collège Montaigu où fut installé, en 1792, la maison d'arrêt de la Garde Nationale. La prison, où fut interné Musset avait été transférée quai d'Austerlitz dans une ancienne dépendance de l'hôtel du colonel Darricaud, commandant de la Garde Nationale sous l'Empire. La prison d'abord « l'Hôtel des Haricots » devint alors « Hôtel Darricaud », mais on peut supposer que le même genre de « fayots » y était servi.

 

 

"Le haricot magique" illustration de Walter Crane

 

 

Enfin pour celles et ceux qui aiment les contes merveilleux n'oublions pas celui d'origine britannique du 19ème siècle qui met en scène grains de haricot, fée, ogre et géant dans « Jack et le haricot magique » illustré par Walter Crane, Georges Cruckshank et Arthur Rackham.

 

Je ne peux terminer ce billet sans parler du « Haricot de mouton » connu déjà au Moyen Age. « Le Ménagier de Paris » rédigé au 14ème siècle nous en donne la recette : « Dépecez-le (le mouton) par petites pièces, puis le mettez pour boulir une onde, puis le frisez en sain de bœuf et frisez avec oignons menus, mincés et cuits dans bouillon de bœuf, et mettez persil, sauge, ysope, macis, et faites bouillir ensemble. »

On le remarque, il n'y a pas de haricots dans ce plat.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que autrefois, le ragoût, qu'il soit de veau, de mouton, de gibier ou de n'importe quelle autre viande, était un « haricot » même s'il n'apparaissait pas la moindre trace de ce légume dans la préparation. L'explication, discutée par les linguistes, viendrait de l'ancien mot « harigoter » qui signifie « déchiqueter, mettre en lambeaux ».

« Aujourd'hui, nous nuançons notre ragoût accompagné de petits oignons, carottes, navets, pommes de terre, il devient navarin et même navarin printanier, si tous ses légumes ont la fraîcheur de la jeunesse. Uniquement composé de mouton et de haricots qui ont mijoté de conserve, il est tout bonnement le haricot de mouton », nous précise André Castelot.

 

 

« C’est quand les carottes sont cuites que c’est la fin des haricots » – Pierre Dac - Pensées

 

 

Récolte au potager de Saint Jean

 

 

Question santé

 

 

Le haricot sec : cet aliment énergétique, dont il existe une grande variété est une source élevée de fibres qui entraîne un effet rassasiant. Il régularise le transit intestinal, le taux de cholestérol et le taux de sucre sanguin. Il contribue à la prévention des risques cardiovasculaires.

Il est riche en minéraux : fer, manganèse, cuivre, zinc, calcium et en vitamines.

Dans l’équilibre alimentaire, il fait partie des féculents. Il sera consommé en quantité raisonnable et raisonnée en alternance avec un légume vert.

Lorsqu’il est cuisiné correctement et mangé sans excès, il ne fait pas grossir. Ce qui pose problème, ce n’est pas le féculent en lui-même mais ce qui enrichit le plat (crème, beurre, fromage…) ou la façon de le cuisiner (graisse).

 

 

Au potager de Saint Jean

 

 

Le haricot vert : A consommer sans modération, été comme hiver. Pauvre en calorie, c’est le légume « taille haricot vert », minceur par excellence. Il est riche en fibres, en provitamine A, en acide folique, en minéraux y compris calcium et magnésium.

Il fait baisser le taux de cholestérol, accélère le transit intestinal, fortifie le cœur et protège le tissu hépatique.

 

Quant à mes haricots, ils sont totalement naturels, le potager de Saint Jean ne connaît pas le pesticide.

Nous conservons nos haricots verts en bocaux stérilisés quant aux secs, ils sont congelés.

 

 

« Il faut toujours faire de son mieux, même si ça ne rapporte que des haricots », nous écrit Jean Dutour dans Pluche ou l'Amour de l'Art.

 

 

 

Haricots à rames potager de Saint Jean

 

Le potager de Saint Jean
Une vue du potager de Saint Jean

 

 

Je vous souhaite une bonne semaine !

 

Yves

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #Potager de Saint Jean

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Commenter cet article
M
Bravo pour le potager de St Jean !<br /> J'ai toujours jardiner avec un calendrier lunaire et j'ai toujours réussi des légumes et des fleurs.<br /> Je vous recommande "le calendrier lunaire de Michel Gros" on le trouve chez les Croqueurs de Pommes et dans les Coop Nature<br /> Bonne semaine <br /> Monique
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Y
Merci pour le conseil<br /> A bientôt <br /> Amitiés <br /> Yves