BALADES GASTRONOMIQUES - 6 - ENTRE LOIR ET CHER

Publié le 18 Juin 2023

 

la biche au lever du jour - aquarelle

 

 

Nous, Saulongnois et Beausserons

Aux champs, par hayes et buissons,

Perdrix et lièvres nous prendrons,

Et yrons pescher par rivières...

 

 

Ces quelques vers du prince poète Charles d'Orléans* évoquent dans leur simplicité rustique, la vie sagement épicurienne du plaisant duc, déjà « gris vieillart » au retour de ses 25 ans de captivité à Londres, suite au désastre de la chevalerie française à Azincourt (1415) qui fit 6000 morts et 1000 chevaliers prisonniers.

Chasse, lecture, musique, table délicate et bonne compagnie occupaient son temps à la cour de Blois où l'attachaient les souvenirs de son enfance, de sa mère, Valentine Visconti, appelée aussi Valentine de Milan, fille du duc de Milan, qu'il aimait tendrement mais aussi le charme d'une nature toute proche qu'il voyait de sa fenêtre : la courbe majestueuse du fleuve sauvage, les frondaisons des forêts, les horizons harmonieux de la Sologne, la lumière légère et transparente du val changeante à l'infini au gré des heures et des saisons.

 

 

Charles d'Orléans

 

 

 

Un peu d'histoire

 

 

Charles entreprit alors d'en finir avec l'austère château féodal. Il fit élever une galerie, un corps de logis où briques et pierres de tuffeau s'associaient dans une architecture simple et harmonieuse pour le plaisir des yeux.

A la fin du siècle, en 1498, la mort de Charles VIII sans héritier direct fait de Louis d'Orléans, le fils tard venu de Charles, l'héritier du trône de France. Seize ans plus tard, Louis XII surnommé le « père du peuple » par les états généraux de 1509, veuf, vieilli, sans descendant mâle à son tour, se risque à épouser la jeune Marie Tudor « l'une des plus belles filles que l'on saurait voir... ». C'est ainsi, selon l'historien Bernier, que « la bonté de ce prince parut jusques dans la cause de sa mort ; car il s'immola pour son peuple, dans le dessein de lui donner un successeur qui lui ressemblast ».

 

 

 

Le daguet, aquarelle et pastel

 

 

A défaut d'un fils tant désiré, le successeur fut François d'Angoulême. Le nouveau roi, François 1er, avait passé à Romorantin, à quelques lieux de la cour de Blois, une partie de ses années d'enfance et d'adolescence ; son mariage avec Claude de France, la fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, devait l'attirer lui aussi à Blois.

Ainsi Blois allait rester, jusqu'à la fin du 16ème siècle et les derniers Valois, une sorte de capitale secondaire de la France.

 

Ce retour sur le passé n'est pas inutile car on le retrouve de tous côtés que ce soit à Blois, à Chambord où des mains d'artistes de chez nous ont traduit en français les créations de la Renaissance italienne mais aussi à Talcy, domaine des Salviati qui fait revivre la Cassandre de Ronsard, la Diane d'Agrippa d'Aubigné, à Chaumont, où flottent les ombres rivales de Diane de Poitiers et de Catherine de Médicis.

Puis voici le Cheverny des Hurault. Il a traversé l’Histoire, tout en restant dans cette même famille depuis plus de six siècles, propriété actuelle de la marquise et du marquis de Vibraye.

Ces illustres châteaux sont entourés d'une myriade de nobles et charmants logis, parfois modestes, souvent ignorés qui émeuvent par le secret accord de la nature et de l'architecture : Beauregard, Le Gué-Péan, Selles-sur-Cher, Villesavin « la cabane de chantier de Chambord », Herbault, Troussay « petit bijou de la Renaissance », La Ferté-Saint-Aubin ( restauré par la famille Guyot), Fougères-sur-Bièvre, Beauharnais, La Ferté-Imbaut et tant d'autres...

 

 

Solitaire aquarelle

 

 

 

La Sologne, terroir gourmand

 

 

Nous sommes en Sologne, le pays du « Grand Maulnes » et de « Raboliot ». Elle s'étend au sud de la Loire sur les anciennes provinces de l'Orléanais, du Berry et du Blaisois.

Ici c'est un pavillon de briques dorées qui se reflète dans l'eau calme d'un étang perdu au milieu des bois, là des douves assoupies, troublées uniquement par le saut des carpes. Ailleurs c'est un pigeonnier, une vieille porte, une ferme allongeant ses bâtiments à colombages. C'est le pays des forêts profondes, des landes, des étangs brumeux, du frisson argenté des bouleaux, du parfum des pins, du rose violacé des bruyères.

Si elle diffère dans son allure des autres régions, elle est loin d'être aussi austère qu'on le dit et la présence des belles demeures témoigne d'une certaine qualité de vie.

 

La Sologne est aussi un terroir gourmand. Elle possède une forte tradition de pêche et de chasse. Ses nombreux étangs qui sont vidés chaque année sont le paradis des carpes, brochets, tanches, ablettes et gardons.

Aux couleurs flamboyantes de l'automne les sous-bois regorgent de cèpes, girolles, trompettes de la mort ou coulemelles. C'est l'époque ou allées et sentiers braconniers retentissent des aboiements des chiens et des « taïaut !! » des chasseurs. Dans ce pays de seigle et de sable, la chasse y a pris le pouvoir. Elle est presque devenue une véritable culture. On y traque cerfs, chevreuils, sangliers, lapins, lièvres, perdreaux et faisans.

 

La pauvreté de son sol n'en fait pas une région d'élevage mais elle tire une certaine gloire de sa charcuterie : saucisson de Nouan-le-Fuselier, boudins à la crème ou aux châtaignes célébrés par sa confrérie du boudin de Pruniers-en-Sologne.

L'asperge* blanche de Sologne, « le caviar des légumes », est devenue un élément important de l'agriculture régionale et les inimitables fraises « garriguettes » ou « mara des bois » aux parfums subtils régalent petits et grands.

Chaque année les journées gastronomiques de Sologne de renommée nationale, deviennent le temps d'un week-end, fin octobre à Romorantin, le rendez-vous incontournable des confréries, artisans et producteurs avec au menu démonstrations, dégustations et concours.

 

 

 

Croquis au brou de noix

 

 

 

 

Repas de chasse ou de cave

 

 

 

Si vous avez la chance d'être invité à un repas de chasse ou de cave, vous pourrez peut-être déguster une bécasse à la ficelle longuement dorée à la flamme de sarments de vigne. D'un repas à l'autre on vous servira un perdreau à la broche, un faisan au chou, une andouillette grillée, un pâté de lapin au girolles, une terrine de Saint-Hubert ou une galantine de garenne, un faisan rôti, un lièvre à la royale ou un perdreau farci au parfum de thym et de vin blanc. Les grands classiques tels les civets de cerf ou de chevreuil s'accompagnent avec des sauces élaborées comme la célèbre Grand Veneur.

Cuisine classique que des cuisiniers d'aujourd'hui n'hésitent pas à renouveler. Ainsi le faisan se cuit dans le lait de coco et peut s'accompagner de mangues poêlées ou de gingembre et le colvert devient Thai.

Quant au sanglier, lointain cousin sauvage de notre porc domestique, son cuissot se marine dans le miel. Il peut aussi offrir de goûteuses charcuteries. Les beaux cuissots deviennent de merveilleux jambons, désossés, fumés puis séchés plusieurs mois. Fondant au palais, ce jambon s'accommode bien avec un melon ou de fines asperges.

 

« Un repas sans fromage est une belle à qui il manque un œil », écrivait Brillat-Savarin, en Sologne on ne peut s'exonérer d'un chèvre fondant et délicat : Bonde et Fleur de Sologne ou Selles-sur-Cher, porte-drapeau de l'AOC.

Pour les palais sucrés on y déguste la fameuse tarte des sœurs Tatin* de la Motte-Beuvron à la renommée internationale, mais aussi la brique de Sologne, les croquets solognots ou autres sablés de Nançay.

Le tout est accompagné d'un Romorantin, cépage blanc, frais et fruité, unique à la région ou d'un Cheverny rouge (assemblage de Gamay et Pinot noir) d'un Sauvignon blanc en assemblage avec l'Arbois, le Chardonnay ou le Pineau blanc de Loire.

 

Nul doute que le poète épicurien Charles d'Orléans dégusta bon nombre de ces mets que cuisiniers, charcutiers, pâtissiers et maîtresses de maison ont réussi tout au long de ces siècles à force d'originalité, de travail, de savoir-faire, de passion a créer et faire évoluer cette véritable gastronomie solognote, reconnue et réputée.

 

 

 

* L'asperge de Sologne

 

 

 

Elle a été introduite vers 1870 par Charles Depezay. En garnison près d'Argenteuil, en région parisienne, il s'aperçut que le sol de la région où poussaient les asperges ressemblait au sol sablonneux de Sologne. Il rapporta quelques plants et le succès est celui qu'on connaît.

 

 

 

 

 

 

 

* La tarte Tatin

 

 

Caroline et Stéphanie Tatin qui tenaient le restaurant « Hôtel Terminus » à Lamotte-Beuvron en sont les inspiratrices. Au lieu de retirer les pommes de la poêle, une des sœurs posa la pâte directement dessus et se contenta de renverser la tarte après la cuisson. On dit aussi que les tartes renversées existaient depuis longtemps mais que la recette des sœurs Tatin marqua les esprits. Curnonsky, « le prince des gastronomes »ne serait pas étranger à cette promotion.

 

 

 

 

 

 

 

 

QUELQUES RECETTES DU MOIS

DE

CATHERINE GILLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* VELOUTE D'ASPERGES *

 

 

 

 

 

 

Peler et couper en tronçons 500 g d'asperges, les cuire dans un faitout d'eau bouillante salée pendant 8 mn. Les égoutter et les plonger dans un litre de bouillon de volaille fait avec une tablette et cuire le tout 20 mn. Passer l'ensemble au mixer et au moment de servir ajouter une liaison faite de 2 jaunes d'œufs délayés avec 100 g de crème.

Servir avec des pluches de cerfeuil.

 

 

 

* ARTICHAUT SOLEIL *

 

 

 

 

 

 

Compter un artichaut par personne. Retirer les queues le jour où vous les cuisez. Les passer sous un filet d’eau en écartant les feuilles et les taper côté pointe sur votre évier. Les cuire à l’eau bouillante salée pendant 45 mn dans une marmite ou un cuit vapeur. Lorsqu'une feuille se détache facilement, la cuisson est terminée. Les égoutter la tête en bas et les laisser refroidir.

Ouvrir chaque artichaut comme un soleil, enlever le foin central, préparer une sauce à la crème ou de votre goût. Recouvrir le cœur de sauce qui permet de tremper les feuilles.

Il est souhaitable de les consommer le jour de la cuisson.

 

 

 

* SALADE AUX FOIES VOLAILLES *

 

 

 

 

 

 

Préparer 250 g de laitue et mâche avec une vinaigrette. A feu moyen mettre dans une poêle 1 c.s. de vinaigre. Après 1 mn, ajouter 500 g de foies de volaille lavés et séchés dans un papier absorbant ou un linge propre. Laisser cuire 10 mn. Les disposer sur la salade, verser la vinaigrette faite de 2 c.s d’huile d’olive, 1 c.s. de vinaigre de votre choix (la framboise et le Xérès conviennent bien), sel, poivre et mélanger.

 

 

 

* TARTE AUX ÉPINARDS ET FROMAGE DE CHEVRE *

 

 

 

 

 

 

 

Mettre la pâte brisée maison ou prête à dérouler dans une tourtière, la piquer à la fourchette, la cuire à blanc pendant 10 mn à 210°-Th7. Plonger 750 g d’épinards dans une casserole remplie d’eau salée pendant 10mn ou à défaut prendre des épinards congelés de qualité jusqu'à évaporation de leur eau de végétation. Les égoutter et les presser pour extraire l’excédent d’eau, les faire revenir dans une cocotte avec 1 c.c. d’huile d’olive, 1 gousse d’ail ou 1 échalote, 100 g de crème, sel, poivre, noix de muscade, bien mélanger. Verser sur la tarte et recouvrir de rondelles de fromages de chèvre. Donner quelques tours de moulin à poivre. Enfourner 30 mn à 210°-Th7.

 

 

 

* TARTE FRAISES *

 

 

 

 

 

 

Utiliser une pâte à tarte brisée maison avec 200 g de farine, 100 g de beurre, une pincée de sel, ½ verre à moutarde d'eau. Réduire la farine et le beurre à l'état de sable, faire une fontaine, verser ¾ de l'eau, ajuster en eau si besoin et rassembler la pâte pour en faire une boule. Mettre à reposer au réfrigérateur. ou utiliser une pâte prête à dérouler (consulter la liste des ingrédients et privilégier les produits de qualité, refuser la mention huile végétale).

Préchauffer le four à 210°-Th 7. Étaler la pâte, la piquer et la cuire à blanc 15 mn pour la garnir ensuite de fruits crus. Pour empêcher la pâte de gonfler, mettre des haricots secs ou noix sur une feuille de papier sulfurisé.

Laisser refroidir votre tarte. Avant le repas étaler 2 c.s. de confiture de fraises et poser dessus des demi-fraises ( ne pas les mettre trop en avance car elles libèrent du jus ).

De façon optionnelle quelques feuilles de menthe s'associent bien aux fraises.

 

 

 

 

A la semaine prochaine !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #gastronomie

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