LE PASSAGE DE LA VIERGE

Publié le 10 Septembre 2023

 

 

 

« les hyrondelles ne se pouvant tenir l'hyver en nostre Europe, tant pour la grande froidure que parce qu'elles n'y trouveroient pasture s'en vont en Afrique, Egypte et Arabie, et, là ; trouvant leur hyver quasi aussi à propos que nostre été, n'ont faute de mangeaille. » Pierre Belon

 

 

Cette année, deux couples d'hirondelles de cheminée, reconnaissable à leur gorge de couleur rouge brunâtre, sont venus prendre possession d'anciens nids collés sur les poutres du vieil l'atelier de Louis et abandonnés depuis longtemps.

Pourquoi sont-elles revenues et en reprendre possession cette année, mystère ?

Quelques semaines plus tard, j'ai aperçu huit frimousses au bord des nids.

Alors, dans un inlassable va-et-vient, les parents se sont relayés du matin au soir pour nourrir d'insectes attrapés au vol cette marmaille braillarde et affamée qui doit rapidement prendre des forces.

Les progrès furent rapides car, très vite, toute cette jeunesse intrépide a réalisé les premiers essais d'envol, histoire de se faire les muscles tout en restant dans l'abri protecteur de l'atelier. Puis, sans doute avec l'autorisation des parents, ce fut l'envol vers les grands espaces.

 

Dès la mi-août, nous avons vu les deux familles rejoindre, chaque matin, beaucoup d'autres sur les fils électriques près de la maison dans une sorte de conciliabule pour discuter des préparatifs et de l'organisation de leur futur grand voyage de retour vers les contrées plus chaudes.

 

 

 

 

 

 

Le passage de la vierge

 

 

C'est autour du 15 août que se produisent ces premiers grands périples ; on les appelle le « passage de la vierge » du fait de la coïncidence de date avec l'Assomption.

C'est l'époque où la plupart des martinets noirs et hirondelles quittent notre pays pour regagner l'Afrique tropicale mais aussi les petits échassiers de rivage, tels que les chevaliers ou bécasseaux.

Ces regroupements et départs vont se poursuivre en septembre, parfois octobre. La diminution de la durée du jour est déterminante, car elle influe sur leur rythme hormonal leur imposant cet exode vers des régions plus ensoleillées.

Les oiseaux vont alors entreprendre un difficile et long périple qui les mèneront au sud du Sahara et même jusqu'en Afrique du sud pour les hirondelles d'Europe de l'est.

L'autre raison qui explique ce départ est qu'elles se nourrissent exclusivement d'insectes capturés en vol qui disparaissent avec l'arrivée de la mauvaise saison.

Mais comment expliquer qu'elles reviennent à chaque printemps ?

 

 

 

 

Les ornithologues expliquent que les hirondelles de cheminées se sont installées dans nos régions avant les grandes glaciations qui ont eu lieu il y a environ un million d'années.

On imagine qu'elles avaient enregistré dans leur patrimoine génétique les lieux et sites de l'hémisphère nord où elles avaient la possibilité de se reproduire.

Il n'en fallut pas plus, dès que le climat s'est radouci, pour que nos hirondelles de cheminée qui arrivent en France en avril-mai reviennent s'installer et nicher dans nos campagnes.

 

 

 

 

 

 

Un voyage de 40 000 kilomètres

 

 

Pendant leur hivernage en Afrique, elles retrouvent des espèces très proches telles que les hirondelles à longs brins, qui passent toute l'année sur place faisant l'économie d'un voyage qui coûte la vie à environ 95% des jeunes de l'année.

Mais la migration transsaharienne d'autres oiseaux est encore plus surprenante.

Les quelques sternes arctiques, qui ont niché sur le littoral breton, nous ont quittés dès le milieu de l'été. Ces hirondelles de mer, comme on les nomme souvent du fait de leur queue échancrée, sont les plus grands migrateurs du monde.

 

Bien après celles qui nichent sur les côtes bretonnes, ce sont les sternes originaires de régions se trouvant largement au nord du cercle polaire arctique, qui vont passer sur nos côtes occidentales pour gagner l'antarctique. Les survivantes de ce long voyage reviendront au printemps suivant, après avoir parcouru plus de 40 000 km.

 

Comment ces oiseaux trouvent-ils leur chemin ?

Toutes les hypothèses sont sur la table et rien n'est sûr dans ce domaine.

Des chercheurs ont pu déterminer, par exemple, que les canards colvert, dont une partie de la population est migratrice, utilise la configuration des constellations pour s'orienter. Connaissent-ils la Grande Ourse ou l'étoile Polaire ? Mystère !

Il a été observé que, placés sous un planétarium, ils cherchent toujours à s'échapper de la volière dans la direction indiquée par les étoiles reproduites artificiellement sur la voûte.

 

 

 

 

Quant aux étourneaux, qui migrent de jour, ils se guident sur la direction du soleil ; leur « horloge interne » leur permet de compenser la rotation de la Terre.

Pour d'autres espèces, les choses sont plus compliquées. Les rouges-gorges sont des sédentaires dans la partie tempérée de leur habitat, comme dans nos campagnes. Mais les reproducteurs les plus septentrionaux effectuent des migrations considérables. Il suffit de placer un rouge-gorge dans une enceinte d'où il peut percevoir le champ magnétique terrestre (ce qui fait réagir une boussole), pour qu'il trouve instantanément la direction dans laquelle se trouve sa zone d'hivernage.

 

D'autres oiseaux remplacent, en hiver, ceux qui nous ont quittés à la fin de la belle saison. C'est le cas en décembre où les habitants des côtes bretonnes ou du littoral atlantique se réveillent un matin pour découvrir devant leurs fenêtres et dans les champs des milliers de petites oies noires, les bernaches cravant qui viennent du grand nord : Spitzberg, Groënland ou Sibérie.

Leur arrivée en nombre en une nuit avait accrédité la légende selon laquelle elles étaient issues des bernacles, petits crustacés fixés sur les rochers qui filtrent les particules marines à l'aide d'organes qui ressemblent à des plumes.

Il arrive fréquemment que ces oies hivernent à l'intérieur des terres, ce qui est courant en Hollande mais aussi en France lors des hivers rigoureux.

 

 

Bernache cravant

 

Des ornithologues auraient remarqué des modifications dans les habitudes migratoires de certains oiseaux. Un hypothétique dérèglement climatique en serait la cause ? C'est possible !

Ceci expliquerait, sans doute, l'extension des guêpiers d'Afrique jusque dans l'Aisne tout comme celle du "serin cini" vers le nord. Si la solution climatique est admissible, d'autres hypothèses ont été avancées pour tenter d’expliquer ce phénomène : une mutation génétique favorisant l’espèce sur le plan de la mobilité, l’extension des cultures maraîchères, l’ouverture des milieux forestiers, sa propension à l’anthropophilie*. Pour certains ornithologues, il semble bien que les espèces ont su tirer profit surtout de la mise en culture des terres et du développement des espaces verts urbains.

 

Ces espèces ne perdent pourtant pas l'habitude de reprendre la route vers le sud pour des migrations au long cours, quelle que soit la manière dont elles s'orientent.

 

En ce qui concerne mes hirondelles, les premières ont du partir vers le 20 ou 22 août. Les dernières  ont pris leur envol le 6 septembre.

 

Bon voyage et à l'année prochaine !!!

 

 

 

*L'anthropophilie : de anthrôpos (« homme ») et de philos (« amour de »), correspond également, dans son sens le plus strict, à une relation entre les animaux et les humains dans laquelle les animaux tirent profit des humains sans leur nuire ou leur apporter un quelconque bénéfice.

 

 

 

A la semaine prochaine ! 

 

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #patrimoine

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
parfait! reste à dupliquer l'étude pour les migrations des populations humaines depuis la nuit des temps! les pahouins (fangs) du GABON, d'où viennent-ils par exemple?<br /> vous allez le faire , parce que ...... vous savez le faire!!!!!!!<br /> Cordialement
Répondre
Y
Vaste programme <br /> amitiés
A
Très instructif. Merci.
Répondre