CHENU - URBAIN PLANCHER - REVELATIONS SUR SES ORIGINES

Publié le 3 Décembre 2022

Le vieux village de Chenu (aquarelle Yves de Saint Jean)

 

 

Le 26 juillet 2021, je publiais un billet sur un personnage né dans notre petit village qui connut une certaine gloire au 18ème siècle.

En effet, Dom Urbain Plancher, pour les historiens est ce moine bénédictin qui s'identifie à l'histoire générale et particulière de la Bourgogne.

 

En écrivant ce billet, comme d'autres d'ailleurs, notamment lorsqu'ils concernent des personnages ayant une relation avec l'histoire, la musique, la gastronomie ou la littérature, j'ai pu découvrir les difficultés qui pouvaient survenir à retracer des événements, des dates, des situations soit en fouillant dans des ouvrages et des articles soit auprès de chercheurs ou historiens, les deux arrivant parfois à se contredire. Il faut alors accumuler la documentation, vérifier, enquêter et croire en sa bonne étoile pour transmettre en toute sincérité mais avec humilité des faits et des éléments qui reflètent la réalité.

 

Ce fut le cas pour ce moine célèbre que je savais être né à Chenu. J'avais suivi plusieurs pistes. Si son œuvre était parfaitement documentée et commentée, malheureusement, aucune ne m'avait permis de réunir les informations personnelles que je cherchais sur ses origines, jeunesse, naissance, famille que ce soit chez les moines bénédictins de l'Abbaye de Solesmes* sauf à consulter dans la bibliothèque ses ouvrages originaux sur la Bourgogne mais aussi malgré l'aide de l'Institut de France auprès de Hélène Richard, fille de M. Jean Richard, éminent historien, spécialiste du Moyen-Age, professeur et grand connaisseur des travaux d'Urbain Plancher chez qui j'ai largement puisé dans ses recherches et commentaires pour tenter de résumer le fabuleux travail du bénédictin qui fait désormais partie du patrimoine catonicien*.

Mais, il me manquait ces quelques éléments à mon puzzle.

 

 

Aquarelle Yves de Saint Jean

 

 

La découverte !

 

 

Tout en gardant l'espoir de trouver un jour, j'avais alors résumé sa jeunesse comme étant celle d'un enfant aux origines pauvres, peut-être abandonné puis sans doute élevé dans une famille avant d'être confié à un monastère.

Il ne faut jamais désespérer. Il a suffi d'un coup de téléphone pour avoir la révélation.

 

Hourra ! J'ai trouvé ! Un ami, fidèle lecteur du blog, généalogiste à ses heures, pugnace et éclairé venait de repérer en feuilletant, loupe à la main, les milliers de pages jaunies des registres paroissiaux, le nom d'Urbain Plancher.

 

Magnifique ! Champagne !

 

Nous avons alors découvert que le personnage n'avait rien de pauvre, ni d'abandonné, mais qu'il bénéficiait du statut social d'une certaine bourgeoisie.

Vraisemblablement né le 10 février 1665, Urbain est baptisé le 11 février en l'église de Chenu. A cette époque, les enfants reçoivent la consécration sitôt leur naissance. Son parrain est Urbain Fouquet et sa marraine Marie Froger, épouse de Pierre Ribacin, notaire royal.

Il est le fils de « Mathurin Plancher le Jeune » né également à Chenu le 23 août 1633 qui occupe les charges d'avocat au Parlement et de notaire à Baugé et de « Magdeleine de la Noüe » née vers 1644 et décédée le 13 octobre 1684 à 44 ans, mariés tous les deux le 20 juin 1662 à Saint-Vincent à Tours.

Urbain est également le neveu de Marie et Anne Plancher, les sœurs de Mathurin le Jeune et le petit fils d'un autre Mathurin Plancher (le père de Mathurin le Jeune) né à Chenu vers 1601 et marié à Hélène Ribacin native également de Chenu le 22 février 1612. Ils ont le statut de marchand-fermier au lieu-dit « La Morinette » où existait autrefois un château construit sur les communes de Saint-Germain d'Arcé et de Chenu. Il est donc vraisemblable que Urbain Plancher est né à la Morinette. A une encablure existe toujours le petit manoir de la Borderie que de nouveaux propriétaires ont entrepris de restaurer.

 

Les origines de Dom Urbain Plancher n'étaient plus un mystère.

 

Avant de vous laisser découvrir ou redécouvrir l'histoire de ce moine érudit, je remercie l'ami fidèle lecteur du blog. Il n'a pas souhaité être cité mais à travers ces quelques mots, il se reconnaîtra.

 

 

 

L'église de Chenu telle qu'elle devait être à l'époque d'Urbain Plancher (croquis anonyme au crayon). Les travaux de suppression du clocher central et du nouveau porche de l'église furent entrepris en 1882.

 

 

Dom Urbain Plancher

 

 

Signalé comme un jeune homme plein d'espérance, il fut admis dans l'ordre des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. On sait que c'est à la Trinité de Vendôme qu'il fit profession à l'âge de dix neuf ans, le 21 septembre 1685. Ses supérieurs le chargèrent d'enseigner la philosophie et la théologie aux novices et aux jeunes religieux, et il semble avoir été fort apprécié comme prédicateur.

En 1689, on le retrouve déjà à Dijon puis en 1705 à Sainte-Colombe-lès-Sens en qualité d'administrateur puis de prieur en 1708. Il passe à Ferrières-en-Gâtinais en 1711 puis revient à Sainte-Colombe.

En 1714, il devient grand-prieur de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, et conserve cette fonction pendant plusieurs années. En 1726, il est désigné comme « doyen de la communauté » dans l'enquête sur la création de l'évêché de Dijon.

 

 

La Trinité à Vendôme croquis encre et aquarelle Yves de Saint Jean.

 

 

 

Dom Plancher et l'histoire de la Bourgogne

 

Il est certain que l'initiative de la rédaction de l'histoire bourguignonne ne vint pas de lui. Le projet s'insérait dans la grande entreprise des histoires des provinces que le supérieur de la congrégation de Saint-Maur, dom Maur Audrem, allait inscrire au programme des recherches des Mauristes, après avoir lui-même entamé l'histoire de la Bretagne.

Déjà, la Bourgogne avait bénéficié du labeur de nombreux érudits attachés à réunir les matériaux de son histoire. Les ouvriers de l'entreprise paraissaient tout désignés, puisque l'abbaye dijonnaise de Sainte-Bénigne était depuis 1651 sous le contrôle de la congrégation de Saint-Maur et que le labeur érudit y avait commencé.

 

En 1732, dom Plancher se trouve pris dans une querelle liée précisément à la création d'un évêché à Dijon sous couvert vraisemblablement d'une affaire de gros sous et de rivalités sur des sources et répartitions de revenus ecclésiastiques.

Le 6 avril 1732, le commandant militaire de la province dirigea en personne une perquisition à Saint-Bénigne et procéda à la saisie de tous les titres et papiers de l'abbaye.

 

« On fit courir le bruit qu'il y avoit dans les registres de la maison de ville de Dijon une transaction biffée par la malice de quelques religieux » et que le responsable aurait été « le religieux qui travaille à l'histoire de la Bourgogne ».

En définitive, une lettre de cachet éloigna dom Plancher de Saint-Bénigne pour quelques années.

C'est ainsi qu'il fut amené à rédiger à Saint-Germain d'Auxerre une part importante de son histoire ; il y était encore en 1734 et 1735.

 

Les deux premiers volumes de « l'Histoire de la Bourgogne » parurent chez l'imprimeur Antoine De Fay en 1739 pour le premier et 1740 pour le second. De Fay prit à sa charge les frais d'impression et de gravure, après avoir mis l'ouvrage en souscription. Les États de la province auraient, selon De Fay, attribué une somme de 2000 livres « à la charge qu'il fourniroit à la province 42 exemplaires... »

L'emploi des exemplaires était prévu dans les moindres détails : trois seraient reliés en maroquin rouge pour être offerts au roi, à la reine et au dauphin ; les autres, reliés en veau, iraient au prince de Condé, aux ministres, aux évêques, aux premiers présidents de la province etc...

 

La parution des ouvrages suscita nombre de critiques, querelles et controverses jusqu'à notre période contemporaine. Les trois premiers volumes furent édités du vivant du moine le quatrième en 1781 avec une dédicace du prince de Condé.

 

 

 

 

 

 

Dom Urbain Plancher bon religieux et grand laborieux

 

 

Après avoir quitté Saint-Germain d'Auxerre, dom Urbain Plancher revint à Saint-Benigne. C'est là que notre Bénédictin allait rendre son âme à Dieu le 12 janvier 1750 à l'âge de 82 ans, laissant la réputation d'un « bon religieux » ; on vantait « sa science, sa régularité, la candeur de ses mœurs et son attachement à ses amis ».

 

L'abbé Leboeuf qui le visitait assez souvent quand il était à Saint-Germain d'Auxerre, dans son laboratoire disait de lui : « je le trouve, toujours travaillant, et je n'y reste pas longtemps de crainte de lui ravir un loisir qu'il employe si précieusement...Il se dépêche le plus qu'il peut, à cause de son grand âge, appréhendant de rester en chemin ».

 

« Ceux qui ont connu dom Plancher vous diront que c'étoit un religieux modeste, qui a écrit sans prétention, n'ayant d'autre vue que de se rendre utile à la province où il avoit fixé sa demeure ; que son âge déjà avancé, lorsqu'il a mis la main à l’œuvre, les conjonctures fâcheuses qui l'ont arraché pendant quelque temps de sa retraite, et le défaut de secours de la part de la Province et de ses supérieurs doivent entrer en considération lorsqu'on entreprend de juger le mérite de son travail. »

 

Ce qui prouve toute la qualité de l'histoire de la Bourgogne, c'est que même les critiques les plus acerbes ont toujours rendu hommage à ces « preuves » dont notre Bénédictin a étayé son livre.

Malgré les années écoulées, ce corpus garde toute sa valeur. C'est là que se révèle pleinement l'admirable travail d'une équipe ou Dom Plancher, ce grand laborieux, ce savant désintéressé, occupe sans conteste possible une place de choix.

 

 

En cliquant sur ce lien vous pourrez découvrir l'article du 26 juillet 2021 : http://yvesdesaintjean.over-blog.com/2021/07/dom-urbain-plancher-au-patrimoine-catonicien.html

 

 

Remerciements au P. Louis Soltner de l'abbaye de Solesmes pour son accueil et pour m'avoir ouvert la bibliothèque de l'abbaye et fait découvrir les énormes ouvrages de dom Urbain Plancher.

 

* Catonicien : habitant de la commune de Chenu.

 

 

 

Je vous souhaite une très bonne et agréable semaine malgré un temps gris et bas !  Mais comme chacun sait, le soleil est dans nos cœurs !

 

 

 


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Croquis du manoir de la Borderie (Yves de Saint Jean)

 

 

Rédigé par Yves de Saint Jean

Publié dans #personnages

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